Toujours
est-il qu'à revenir sur nos pas ce fut chaque saison de plus en plus
trop tard, le coeur comprimé par la griffe du souvenir
devant les fenêtres murées ;
c'est Le pays où l'on n'arrive jamais,
disais-tu ; dont la porte dérobée devenait introuvable,
effacée comme n'ayant jamais existé ; (N'y avait-il
pas ici un carrefour aux maisons faubouriennes se souvenant des
cabarets et de l'absinthe ? Oui, et nous songions à y prendre
une chambre pour nos après-midi au-dessus des lilas de la cour, avec
son odeur de cave.) ; bientôt
comme dans un rêve angoissant on tente de rentrer chez soi par un
imbroglio de rues changeantes, inutilement : partout se
vérifiait maintenant l'unique existence du monde organisé, de ses
rues neuves aux façades sans expression et leurs populations de
l'Age des statistiques, de ses publicités annonçant que Le
meilleur est encore à venir !, que Nous travaillons à
rendre le monde meilleur ! ; désormais sans pouvoir en
sortir, chaque matin à se réveiller enfermés avec tous ces gens
s'affairant dehors à l'amélioration, les slogans pour le fromage en
spray et les greffes de neurones.
Baudouin
de Bodinat, La vie sur terre, Réflexions sur le peu d'avenir que
contient le temps où nous sommes.
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