mardi 15 décembre 2015
Notre barque sous un amas d'étoiles
Nous avons ouvert la maison et posé nos sacs. Sur la place couronnée de marronniers, il y a l'église de pierres grises devant laquelle je jouais gamin. A côté, dans le jardin du baptistère, un pommier frissonne dans la brise.
Le
temps de déjeuner et déjà le soleil nous pousse vers le torrent.
Nous y descendons par une route qui semble immobilisée par la
chaleur. Au fond du vallon, chaque branche se balance comme un salut.
Tu
t'es assise sur un rocher près de la cascade pour regarder cette eau
aux remous cuivrés. Nous nous baignons avant de faire l'amour sous
un énorme rocher. Il me semble que les fées s'arc-boutent aux
écorces et que les vieilles civilités s'épanouissent dans les
coins les plus inattendus du présent.
Lorsque
la nuit vient, le vent a nettoyé les étoiles. Pieds nus, j'écoute
un chien aboyer : sa voix dresse les pourtours de la ferme. Sous ce
ciel, je ne désespère plus des forces que nous glanons dans les
chemins creux.
Depuis
la fenêtre de la salle à manger, je devine Pech Merle où André
Breton manqua son rendez-vous avec l'homme des collines. Que de
chemins seraient nés près de celui qui gagna la rivière, une
poignée de ténèbres serrée contre lui ! Entre l'indésirable et
le chasseur, un millénaire de rêves aurait été semé. Je regagne
notre chambre. Trirème, rafiot, radeau, qu'importe... Je m'allonge
contre toi et notre escadre vogue déjà sur les eaux du Tolerme, ses
coques calfatées aux lichens du Pont-Neuf.
Voilà
le jour et les collines. Je t'ai laissé dormir. Au-dessus de moi, un
milan survole les prés puis, piquant soudain, m'effleure les tempes
dans un parfum de plumes tièdes. Au loin, les volcans annoncent le
beau temps.
Après
le dîner, nous quittons le village pour nous offrir le ciel. J'ai
trouvé un chemin qui mène à une clairière où nous pourrons
étendre nos couvertures. Étayée par la douceur de l'air, ta nuque
repose sur mon épaule. Je suis heureux de trier satellites et
étoiles avec toi. Dans l'écume de notre sillage, l'odeur de ta peau
se mêle à leurs scintillements.
Je
repense à la barque que nous formons sous cet amas d'étoiles. Notre
navire va à la découverte et fera signal de terre bien avant que
nos rêves n'aient été coulés. Nous allons vent arrière et, au
roulis près, c'est un plaisir d'aller comme nous allons.
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