jeudi 21 janvier 2016
Une passion déchirante
Le
repliement excessif de la conscience sur soi est le premier pas vers
la désadaptation du réel. La première condition de l’adaptation
au réel est un relatif oubli de soi.
Il
y a donc dans l’action une sorte de pouvoir réducteur
indispensable à notre propre édification. Elle seule débarrasse
les chemins de la personnalisation du trop-plein de nous-mêmes et de
ce que notre présence à nous-même a toujours d’indiscret en même
temps que de nécessaire.
En
forçant hors de soi la paresse égocentrique, le contact du réel
comprime la turbulence du désir informe, le contraint à choisir des
dessins précis et limités, à passer du somptueux néant des
possibles à la réalité dépouillés et forte du réalisé.
La
passion du réel est une passion déchirante : nous ne pouvons
nous fixer ni dans l’adaptation objective qui nous mécanise, bien
qu’elle soit utile à son plan, et nécessaire à notre assiette
spirituelle ; ni dans le refus de réaliser, bien qu’il prenne
quelquefois une valeur de salut métaphysique. Le pathétique du réel
est le pathétique d’une tension irrésolue.
Emmanuel
Mounier, Traité
du caractère
Se souvenir de Raymond Cousse 1942-1991
C'est assez dire que je ne me sens en
rien concerné par le sempiternel débat sur la fonction de la
critique. Si l'on tient absolument à m'extorquer un avis sur ce
point, je répondrai qu'il est oiseux d'opérer des ségrégations
entre les divers secteurs de l'activité littéraire. De mon humble
point de vue, éditeurs, auteurs – moi compris, si du moins l'on
m'autorise à revendiquer cette autre supercherie – critiques et
lecteurs, bref tout l'appareil à produire, vendre et consommer des
livres est à fourrer sans appel dans le même sac, puis à bastonner
indistinctement, copieusement et sans relâche. On voit donc, et l'on
s'en apercevra encore dans l'avenir, que je suis loin d'être raciste
à cet égard.
Si j'ai arbitrairement commencé par
les critiques, c'est d'une part qu'il faut un début à tout, d'autre
part par goût des lieux communs et large propension à enfoncer les
portes ouvertes. En tout cas, voilà un domaine où je n'éprouve
aucun scrupule à tomber à bras raccourci sur les infirmes, dès
lors que je les sens à ma main. J'exprimerai toutefois un regret :
celui de n'avoir pas frappé certains de ces hémiplégiques
au-dessous de la ceinture, comme c'eût été mon droit, et
probablement mon devoir. Un reste d'éducation, je suppose. Mais ce
n'est que partie remise.
Raymond Cousse, A bas la critique !
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