M., le 2 avril 2016.
Je
suis arrivé à M. par la petite route du bas. Je n'ai croisé
personne dans la rue principale. Le printemps n'était pas assez là
pour poser sa chaise devant la porte et la plupart de ceux que je
connais étaient aux champs. J'ai laissé mon sac au pied d'un des
marronniers de la place, juste en face du monument aux morts et,
comme je le fais chaque fois que j'arrive dans une localité, je suis
allé déchiffrer le nom des tués de 14-18. J'y ai retrouvé deux
cousins et j'ai calculé qu'un tiers des hommes de la commune n'était
pas revenu de cette boucherie.
Après avoir lu une dernière fois la liste des noms gravés sous les pieds du poilu, je suis allé m'asseoir près du marronnier. Nous étions en pleine période de commémoration de cette guerre et j'ai pensé à la lettre qu'écrit le Commandant Delaplane à Irène de Courtil à la fin du film de Bertrand Tavernier La Vie et rien d'autre. Je me suis dit qu'elle esquissait le seul hommage que nous pourrions rendre à ces hommes ainsi assassinés au lieu de la bouillie médiatisée et patriotarde que l'on connaît.
Après avoir lu une dernière fois la liste des noms gravés sous les pieds du poilu, je suis allé m'asseoir près du marronnier. Nous étions en pleine période de commémoration de cette guerre et j'ai pensé à la lettre qu'écrit le Commandant Delaplane à Irène de Courtil à la fin du film de Bertrand Tavernier La Vie et rien d'autre. Je me suis dit qu'elle esquissait le seul hommage que nous pourrions rendre à ces hommes ainsi assassinés au lieu de la bouillie médiatisée et patriotarde que l'on connaît.
« Post-scriptum :
c’est la dernière fois que je vous importune avec mes chiffres
terribles. Mais par comparaison avec le temps mis par les troupes
alliées à descendre les Champs-Elysées lors du défilé de la
Victoire, environ trois heures je crois, j’ai calculé que, dans
les mêmes conditions de vitesse de marche et de formation
réglementaire, le défilé des pauvres morts de cette inexpiable
folie n’aurait pas duré moins de onze jours et onze nuits.
Pardonnez-moi cette précision accablante.
A
vous, ma vie... »