Tous les écrivains sont vaniteux,
égoïstes et paresseux, et à la racine de ce qui les pousse à
écrire réside un mystère. Écrire un livre est une lutte horrible
et épuisante, c'est comme un long accès d'une douloureuse maladie.
Personne ne voudrait jamais entreprendre une tâche pareille s'il
n'était poussé par quelque démon irrésistible et
incompréhensible. Pour le peu qu'on en sait, ce démon est
simplement ce même instinct qui pousse un bébé à hurler pour
qu'on s'occupe de lui. Et en même temps, il est également vrai de
dire qu'on ne saurait rien écrire de valable sans livrer une lutte
constante pour effacer sa propre personnalité. La bonne prose est
comme un verre à vitre.
George Orwell, cité par Simon Leys