« Au début des années
soixante, à cause de la pollution atmosphérique et, surtout, à la
campagne, à cause de la pollution de l'eau (fleuves d'azur et canaux
limpides), les lucioles ont commencé à disparaître. Cela a été
un phénomène foudroyant et fulgurant. Après quelques années, il
n'y avait plus de lucioles. (Aujourd'hui, c'est un souvenir quelque
peu poignant du passé : un homme de naguère qui a un tel
souvenir ne peut se retrouver jeune dans les nouveaux jeunes, et ne
peut donc plus avoir les beaux regrets d'autrefois.) Ce « quelque chose » qui
est intervenu il y a une dizaine d'années, nous l'appellerons donc
la ''disparition des lucioles ''. »
Quel est donc ce moment que désigne la
« disparition des lucioles » ? Celui de
l'installation d'un système empoisonné de dictature consumériste
et capitaliste moderne, de mercantilisme à outrance, de tolérance
en tous sens et d'hédonisme forcené conduisant à la mort certaine
de ce qui, dans le monde et l'humanité, pouvait être encore aimé.
Toute l'oeuvre de Pasolini est construite sur cette protestation, sur
cette exécration, sur cette condamnation multiforme de l'hédonisme
marchand qu'il qualifiera un jour – au risque de déclencher une
hostilité haineuse qui le harcèlera jusqu'à la fin – de fascisme
pire que le précédent puisqu'il réussissait sans le moindre accroc
là où l'autre avait échoué, c'est-à-dire dans l'asservissement
de tous et de tout.
Jean-Paul Curnier, A Vif, Pasolini,
La disparition des lucioles
On pourra lire aussi cet article de Courrier International sur les circonstances de la mort de Pasolini.
On pourra lire aussi cet article de Courrier International sur les circonstances de la mort de Pasolini.