à André H., in memoriam
Une campagne de France. Au-delà de la ligne Bordeaux-Lyon. Un parc où les odeurs de lierre et de houx se mêlent harmonieusement à celles d’une terre humide et brune. Très douce, la pénombre est celle des grands arbres domestiqués de ce lieu qui hésite entre le faux naturel anglais et l’orgueilleux agencement d’un jardin à la française. Sur une des terrasses, une jeune femme m’attend. Elle a les cheveux châtains, légèrement ondulés. Elle a mis ses mains dans les poches d’un long manteau de laine noire. Je devine un haut de même couleur, des jean’s et des bottines de cuir marron. Son regard est d’un bleu qui n’a pas renoncé à une certaine mélancolie, ni à l’idée de ralentir le temps ou, du moins, à en extirper toute notion d’utilité. Derrière elle, le château où elle habite est une gentilhommière du XIVe siècle, restaurée par un industriel de la Belle Époque, oublié depuis. La jeune femme me regarde. Un sourire très pâle se devine sous ses pommettes. Elle m’attendait. Il règne autour d’elle un long parfum de sieste. Celle que l’on fait les yeux ouverts, dans le tic-tac paisible d’un été qui ne se dérobera jamais.