Lu dernièrement Bruges-la-morte de Georges Rodenbach (1855-1898) dont les effluves à la fois symbolistes et décadendistes composent un admirable poème dans une Bruges figée par l'obsession d'un homme qui tente d'immobiliser le temps pour retrouver sa morte. Une iconographie, vraisemblablement travaillée à l'époque de sa publication en feuilleton dans le Figaro en février 1892, accompagne ce récit de troublante façon.
" Dans
l'atmosphère muette des eaux et des rues inanimées, Hugues avait
moins senti la souffrance de son cœur, il avait pensé plus
doucement à la morte. Il l’avait mieux revue, mieux entendue,
retrouvant au fil des canaux son visage d’Ophélie en allée,
écoutant sa voix dans la chanson grêle et lointaine des carillons.
Dans
cette solitude du soir et de l’automne, où le vent balayait les
dernières feuilles, il éprouva plus que jamais le désir d’avoir
fini sa vie et l’impatience du tombeau. Il semblait qu’une ombre
s'allongeât des tours sur son âme ; qu’un conseil vînt des vieux
murs jusqu'à loin ; qu'une voix chuchotante montât de l'eau s’en
venant au devant de lui, comme elle vint au devant d'Ophélie."