J'ai connu David Bosc
dans une première vie. Son intelligence et sa modestie tranchaient
avec le milieu pseudo-radical que nous fréquentions. Il n'avait pas
encore publié Sang lié pas plus que La Claire fontaine,
le récit des dernières années d'exil helvétique de Gustave
Courbet. A cette époque, il traduisait les six cents pages de la
correspondance de Swift avec le Scriblerus Club. Je connaissais déjà
son pamphlet contre Aragon et son petit livre sur Georges Darien. Il
avait eu la gentillesse de lire un de mes bourbiers et l'avait annoté
avec un tact dont je lui suis encore reconnaissant.
Je garde de lui, entre
autre chose, le souvenir d'une discussion que nous avions eu, à
propos d'Arcane 17, dans un caboulot marseillais. Nous en
avions causé avec une identique reconnaissance. Il est peu de dire
que ce livre avait eu de l'influence sur lui... Et puis, nous nous
sommes perdus de vue. De temps à autres, je relisais ses livres
jusqu'à ce qu'Allia publie son Sang lié, récit d'enfance
incandescent et fouisseur. J'avais des nouvelles fraîches de Bosc,
de bonnes nouvelles. Je me disais : "Avec lui, la véritable
littérature existe encore".
Depuis, j'ai lu Bosc
comme on va à la montagne : pour s'élever, respirer un air
meilleur, pour reprendre pied dans la beauté. Dans un monde où le
réel le plus imposé envahit tout, où beaucoup de textes pataugent
dans l'eau de boudin quand ils ne moulinent pas de consternants
chapelets égotistes, David Bosc, lui, fait honneur à la poésie
véritable.
Je me souviens du bien
que m'a fait la lecture de La Claire fontaine. Là où un
gratteur lambda aurait tartiné glaucque sur les derniers jours du
peintre hydropique, Bosc éclaire, à la façon d'un reflet de
torrent, la liberté qui charpentait Courbet. Dans ses lignes, malgré
tout, malgré la mort, la vie triomphe.
J'ai acheté, ce matin,
le livre qu'il vient de publier aux éditions Verdier : Mourir et
puis sauter sur son cheval. Bosc parle de Sonia Araquistain, une artiste
espagnole de 23 ans, qui, un jour de septembre 1945, s'est jetée nue
depuis le troisième étage de son immeuble de Queensway.
La quatrième de couverture annonce que : "Quand on a vécu son enfance dans une absolue liberté et que l’entrée dans l’âge adulte ne s’est assortie d’aucun harnais, d’aucune obligation ni désir de servir, de consacrer les bonnes heures du jour au travail, aux soins des enfants ou des animaux, alors la faim de liberté se déplace, elle mute, elle trouve aussitôt d’autres murs à quoi se heurter, d’autres insuffisances : la société, bien sûr, la liberté qu’on n’a pas d’y faire ceci, d’y être cela, mais aussi la limitation du corps et la limitation de l’esprit. Poursuivant un désir à quoi rien ne saurait répondre, Sonia amorce un envol qui n’aura pas de fin."
La quatrième de couverture annonce que : "Quand on a vécu son enfance dans une absolue liberté et que l’entrée dans l’âge adulte ne s’est assortie d’aucun harnais, d’aucune obligation ni désir de servir, de consacrer les bonnes heures du jour au travail, aux soins des enfants ou des animaux, alors la faim de liberté se déplace, elle mute, elle trouve aussitôt d’autres murs à quoi se heurter, d’autres insuffisances : la société, bien sûr, la liberté qu’on n’a pas d’y faire ceci, d’y être cela, mais aussi la limitation du corps et la limitation de l’esprit. Poursuivant un désir à quoi rien ne saurait répondre, Sonia amorce un envol qui n’aura pas de fin."
Je l'ouvrirai ce soir, en
confiance, heureux d'avoir des nouvelles d'un ami.