Il
dit à Béata : aujourd'hui, j'aimerais vous parler d'un champ
qui ne demande qu'à être traversé. On peut s'y arrêter et poser
ses fesses sur une herbe que ponctuent des bouses de vaches. Il n'est
pas en pente, ni particulièrement plat. C'est un champ qui mène à
un autre champ un peu plus petit où l'on croise parfois des lièvres.
Un jour, j'y ai suivi un chevreuil quelques minutes avant qu'il ne
s'enfonce dans la nuit. C'est un champ qui vous offre un ciel de
derrière les fagots. Je ne sais pas à qui il appartient. J'y ai vu
paître des brebis et parfois des vaches. Depuis son centre, on peut
y voir une Auvergne crénelée de volcans. La barrière qui l'entoure
a été plantée il y a longtemps. Parfois, il m'arrive de passer mes
mains sur ses poteaux en me demandant quel âge j'avais quand il ont
été plantés. J'examine ces bouts de bois et j'opte pour l'année
de mes dix ans. A la fin de l'été, les vents font bruire les arbres
qui l'entourent. C'est le chant du champ, un truc qui me permet de le
quitter avec la certitude de le retrouver.
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C'est un refuge ?, demande Béata.
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Un lieu précaire.
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Pourquoi ?
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On veut y prospecter du gaz, y planter des éoliennes, y installer un
élevage hors-sol, une station bio-masse, un méthaniseur. C'est un
lieu précaire.