Dès
l’aube, la mort me désigna les noyés, celle que l'abime attirait
et qu’il me fallut porter jusqu’au rivage. Le sel de ces nuits
d’escorte me fit comme une cicatrice, un blason orageux. J’étais seul.
Plus tard, je crû trouver ailleurs de quoi peupler
mon âme, on pensa pour moi à d’autres travaux. Voisin de
l’éclair, j’avais d’étranges habiletés, et c’était
juste : j’attirais les errants. On construisit des totems, je
participais aux légendes.
Je devins refuge, tour puis donjon et
quelle que soit la révolte, les insurgés trouvaient toujours une
protection. Si l’orge brûla jusqu’à ronger mes fondations, on
veilla à ce que la silhouette du château paraisse toujours intacte. La mort revint en désignant ma nuque. Je m’enfuis en tisonnant les
flancs du saccage ; il n’y eut aucun pardon pour ces ruines.
Aujourd’hui, j’arbore une oriflamme qui s’enivre de son propre
foudroiement, je ne guette plus le feu, néglige les hautes écumes,
j’accepte ma nudité dans une forêt de signes où je désapprends
lentement à sculpter mon souffle.