Notre époque comme règne
des demi rencontres. Ainsi, l'électronique médiatise l'absence en
nous évitant tout contact physique. Là où l'amitié charnelle nous
apprend la part de solitude de chaque relation – cette petite
poche-au-noir nichée au plus doux d'une rencontre -, les
camaraderies numériques nous bercent d'un doux mensonge : que
ces présences là, de l'autre côté du câble, seront un jour
capables de nous rejoindre le jour où nous aurons besoin d'une main
aussi réelle que secourable.
mercredi 24 février 2016
La vie sur terre
Toujours
est-il qu'à revenir sur nos pas ce fut chaque saison de plus en plus
trop tard, le coeur comprimé par la griffe du souvenir
devant les fenêtres murées ;
c'est Le pays où l'on n'arrive jamais,
disais-tu ; dont la porte dérobée devenait introuvable,
effacée comme n'ayant jamais existé ; (N'y avait-il
pas ici un carrefour aux maisons faubouriennes se souvenant des
cabarets et de l'absinthe ? Oui, et nous songions à y prendre
une chambre pour nos après-midi au-dessus des lilas de la cour, avec
son odeur de cave.) ; bientôt
comme dans un rêve angoissant on tente de rentrer chez soi par un
imbroglio de rues changeantes, inutilement : partout se
vérifiait maintenant l'unique existence du monde organisé, de ses
rues neuves aux façades sans expression et leurs populations de
l'Age des statistiques, de ses publicités annonçant que Le
meilleur est encore à venir !, que Nous travaillons à
rendre le monde meilleur ! ; désormais sans pouvoir en
sortir, chaque matin à se réveiller enfermés avec tous ces gens
s'affairant dehors à l'amélioration, les slogans pour le fromage en
spray et les greffes de neurones.
Baudouin
de Bodinat, La vie sur terre, Réflexions sur le peu d'avenir que
contient le temps où nous sommes.
Eden repetita
S'ouvrait alors un horizon de
possibilités. Le visage aimé était un pays lointain et chacun de
nos voyages esquissait un avenir différent. Ce qui nous entourait
n'était pas un décor mais le concours de chaque chose à notre
joie. Le ciel s'offrait comme une coupe et les nuages qui le
parcouraient étaient autant d'îles où s'arrêter. Le temps était
un après-midi d'été où chaque pendule veillait sur notre sieste.
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