Dans son article concernant le projet de loi
macronien sur les « fake news », Frédéric Lordon
analyse cette nouvelle, et délétère, pantalonnade du président
des riches. Si le style du papier est parfois âprement contourné,
Lordon n'en analyse pas moins avec acuité les moeurs de nos maîtres,
et de leurs stipendiés, dans ce pays du mensonge déconcertant.
« Car il devient de plus en plus difficile de
se déclarer soldat de la vérité. L’enrôlement plus ou moins
crapoteux au service du grand capital numérique n’était déjà
pas bien glorieux – on ne s’était d’ailleurs pas trop
précipité pour faire la publicité de ces collaborations. On
apprend en effet depuis peu que bon nombre de rédactions touchent de
Google et Facebook pour mettre à disposition des équipes de
journalistes-rectificateurs aidant à purger les tuyaux. Il faut
vraiment que l’argent manque pour accepter ainsi de se transformer
en égoutiers de l’Internet pour le compte des Compagnies des Eaux
qui prospèrent en surface. Bien sûr ça n’est pas de cette
manière qu’on présente les choses, cependant même ré-enjolivée
en cause commune de la vérité démocratique, l’association
normalisatrice avec les grossiums de la donnée produit déjà un
effet bizarre.
Il faut sans doute être un Décodeur, ou en
l’occurrence un Désintoxicateur (Libération), pour se
promener dans cet environnement en toute innocence, et même casser
le morceau avec une parfaite candeur : « Nous, par
exemple, on travaille pour Facebook, comme un certain nombre de
médias en France travaillent pour Facebook et rémunérés par
Facebook pour faire le ménage dans les contenus qui circulent »,
déclare Cédric Mathiot avec une complète absence de malice
– on voit très bien Hubert Beuve-Méry ou Sartre envisageant de
« faire le ménage dans les contenus » en compagnie d’IBM
ou de (la nommée avec préscience) Control Data Corporation. »