mercredi 13 avril 2016

Le désir était un étonnement.

 

M., le 13 avril 2016.

Après la courbe, le chemin de terre se fait plus large. J'arrive bientôt en vue du village qui s'annoncera entre deux bouquets de châtaigniers. Avec le printemps, le paysage s'offre des teintes juteuses qui me vont droit à l'âme. Il n'est plus très loin de sept heures car j'entends l'angélus sonné par la petite église de M. J'ai bien marché, ma jambe gauche me tire un peu. La pensée de l'âge venant, je me souviens de crépuscules semblables où les filles jouaient avec nous dans le soleil couchant alors que tout se poudrait d'or, de la pointe des arbres à l'appel de nos mères pour le dîner. La nuit venue, les étoiles filaient nos songes à la façon d'une couverture et au matin, le ciel offrait un bol de mystères qu'il importait peu de résoudre car nous nous échappions bien vite pour la journée. Au pied des fermes, les chiens endormis reflétaient la paix de nos âmes. Dans les bois, escortés de fougères, nos baisers ne poussaient pas à grandir. Le désir était un étonnement. Le temps avait la courbe d'un sein.