Nous appelons praxis
ce faire dans lequel l’autre ou les autres sont visés comme êtres
autonomes et considérés comme l’agent essentiel du développement
de leur propre autonomie.
[…] On pourrait dire que pour la praxis
l’autonomie de l’autre ou des autres est à la fois la fin et le
moyen ; la praxis est ce qui vise le développement de
l’autonomie comme fin et utilise à cette fin l’autonomie comme
moyen. Elle s’appuie sur un savoir, mais celui-ci est toujours
fragmentaire et provisoire. Il est fragmentaire, car il ne peut y
avoir de théorie exhaustive de l’homme et de l’histoire ;
il est provisoire, car la praxis elle-même fait surgir constamment
un nouveau savoir, car elle fait parler le monde dans un langage à
la fois singulier et universel. La théorie ne pourrait être donnée
préalablement, puisqu’elle émerge constamment de l’activité
elle-même. Élucidation et transformation du réel progressent, dans
la praxis, dans un conditionnement réciproque. Et c’est cette
double justification qui est la justification de la praxis. Mais,
dans la structure logique de l’ensemble qu’elles forment,
l’activité précède l’élucidation ; car pour la praxis
l’instance ultime n’est pas l’élucidation mais la
transformation du donné.
[Le] sujet lui-même est constamment
transformé à partir de cette expérience où il est engagé et
qu’il fait mais qui le fait aussi. « Le poème fait son
poète ».
Cornelius Castoriadis, L'institution imaginaire de la société