C'est
un champ qui ne demande qu'à être traversé. On peut même s'y
arrêter et poser ses fesses sur une herbe que ponctuent ça et là
quelques bouses de vaches. Il n'est pas en pente, ni particulièrement
plat. Il s'est fait sans façon avec l'orchestre du vent. C'est un
champ qui mène à un autre champ un peu plus petit où l'on croise
parfois des lièvres. J'y ai suivi un chevreuil quelques minutes
avant qu'il ne s'enfonce dans la nuit. C'est un champ qui, les jours
de beaux temps, vous offre un ciel de derrière les fagots. Je ne
sais pas à qui il appartient. J'y ai vu paître des brebis et
parfois des vaches. Depuis son centre, on peut y voir une Auvergne
crénelée de volcans. La barrière qui l'entoure a été plantée il
y a longtemps. Parfois, il m'arrive de passer mes mains sur ses
poteaux en me demandant quel âge j'avais quand il ont été plantés.
J'examine, palpe et renifle ces bouts de bois torréfiés par le
soleil et j'opte souvent pour l'année de mes dix ans. A la fin de
l'été, les vents tièdes font bruisser les hêtres et les
châtaigniers qui l'entourent comme des dizaine de colliers de perles
que l'on agiterait doucement. C'est le chant du champ, sa mélopée
de bienvenue et d'adieu qui me permet de le quitter avec la certitude
de le retrouver.