Cette année encore, alors que la sécheresse va rythmer l'été, un projet touristique aberrant va voir le jour sur les rives du lac du Tolerme, une retenue d'eau de 38 ha située dans le Ségala, un des plus beaux pays du Lot. L'entreprise Sandaya, franchise gérant des campings de luxe1 prévoit la privatisation d'un espace naturel de 16,8 ha sur la rive nord du lac.
Si l'accès public aux rives est maintenu – jusqu'à quand ? - la surface naturelle privatisée par Sandaya sera artificialisée avec l'habituelle panoplie consumériste des bases de loisirs : restaurants et bars, espace aquatique, commerces, construction de 200 bungalows et de 130 emplacements de camping. Les promoteurs de cette occupation prévoient de mirifiques retombées économiques avec la création de... 10 emplois2.
À raison d'une fréquentation prévue de 1200 personnes par jour3, on peut s'interroger sur l'impact que produira ce complexe touristique sur son environnement. Aux nuisances causées par une telle fréquentation (circulation routière, déchets, enlaidissement du paysage, etc.) s'ajouteront la pollution, l'envasement et le gaspillage de l'eau. Quand on sait qu'un touriste consomme, en moyenne, 230 litres d'eau par jour dans ce genre d'établissement, le calcul est simple : pour la seule saison estivale, un gaspillage de millions de litres d'eau est à prévoir.
Ce soucis, François Georges, directeur de Sandaya, ne semble guère le partager : avec la franchise décomplexée de celui qui sait qu'il ne trouvera guère d'opposition, celui-ci avouait, lors d'une réunion publique en août dernier, que c’est bien parce qu’il y a « de la flotte » ici que son groupe vient s'installer4. Et, d'opposition, il n'en trouvera guère puisque, à l'exception de l'association Tolerme nature, ce projet, est soutenu par la communauté de commune du Grand Figeac, et s'est vu approuvé, le 6 mars 20225, par les habitants des douze villages du Haut Ségala, à l'issue d'une consultation pour avis.
Une triste nouvelle de plus pour ce pays là car les nappes phréatiques du Ségala, cette véritable fontaine à eaux du Lot, sont déjà en butte à une pollution provoquée par l'épandage de digestat, un déchet liquide produit par les cinq méthaniseurs installés non loin de là depuis quelques années. Un digestat qui s'infiltre facilement dans le mince sol lotois et contamine les captages d’eau potable, déjà régulièrement souillés par les effluents de l’agriculture intensive6.
À cette pollution il faut aujourd'hui ajouter l'assèchement, de plus en plus important chaque année, de ces nappes phréatiques. On pourrait donc s'étonner du soutien officiel que rencontre un projet qui ne s'appuie que sur le seul appât du gain si on ignorait l'aveuglement, souvent coupable, de nos élus et de celles et ceux qui les élisent. Ici, comme ailleurs, l'avidité et le déni semblent généreusement partagés.
Dernière heure : janvier 2024, le projet a finalement été abandonné par le groupe Sandaya pour des raisons qui semblent mêler manque de viabilité économique, opposition décidée des habitants lotois et surtout l'action de l'association Tolerme nature.
1 Sandaya est une filiale du groupe immobilier ACAPACE fondé par François Georges et Xavier Guilbert.
2 Dossier d'information, Projet d'hôtellerie de plein air au lac du Tolerme, Syndicat mixte du lac du Tolerme, 6 mars 2022.
3 Nouvelles lettre ouverte aux élus du Lot, Assocation Tolerme nature, 10 avril 2023.
4 Idem.
5 Lot. Projet Sandaya au Lac du Tolerme : le « oui » l'emporte à 70%, Actu Lot, 7 mars 2022.
6 Méthanisation dans le Lot : le grand emmerdement, Reporterre, 5 octobre 2021.
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