Culte. A
leur début, certains font ce rêve : s'approcher du soleil en de
lentes discussions où le passé est revisité à l'aune de la
vérité. Aventures, billets clandestins, fiascos, saillies fantômes,
tromperies... Rien n'est épargné de ce culte naïf de la purge.
Comme si le récit de ces avanies garantissait d'un présent qui ne
laissera pas pierre sur pierre de leur désir.
Jouir, disent-ils.
La jouissance qu'impose, par lavements progressifs de la sensibilité,
la doxa actuelle est un éclair pauvre, dépouillé des
embuscades, trébuchements et séduisantes erreurs que nous vivons
quand nous nous laissons gagner par l'autre. La jouissance comme seul
but nie le désir et le trésor broussailleux de ses découvertes.
Jouir comme on nous y incite ( « Pas moins de trois orgasmes
par semaine ! »), c'est faire rimer le plus intime avec le mot
de possession – possession d'un manque qui, de toute façon, ne se
livre jamais. Le désir, lui, est échappée belle, offrande de sa
faiblesse à l'autre qui nous tient dans la paume de ses envies et
glisse sous la notre comme une truite.
- Clic. Qu'espèrent-ils trouver dans l'éther du Net, ces chercheurs d'âmes ? On précise ses critères, on mesure ses envies, on sélectionne le bon profil dans le cheptel labellisé. Sur l'écran, nait la possibilité d'une rencontre sans mystère. L'autre se doit d'être présent en pleine lumière afin d'exorciser l'irréductible différence de ce qui n'est pas soi.
- La ronde. J'ai six ans. A l'école, ce matin là, nous dansons une ronde au son d'une chanson diffusée par un électrophone. Je suis obnubilé par une brune à culotte bleue qui tourne à quelques pas de moi. A chaque interruption de la chanson, nous devons nous asseoir. J'ai compris qu'il me reste quelques minutes pour manoeuvrer. Avec une patience effrayante, je réussis à me rapprocher et, lorsque la chanson s'interrompt pour la dernière fois, je suis assis à ses côtés. Son genoux touche le mien. De ma vie, jamais je ne connaitrai plus magnifique accomplissement.
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