Le
repliement excessif de la conscience sur soi est le premier pas vers
la désadaptation du réel. La première condition de l’adaptation
au réel est un relatif oubli de soi.
Il
y a donc dans l’action une sorte de pouvoir réducteur
indispensable à notre propre édification. Elle seule débarrasse
les chemins de la personnalisation du trop-plein de nous-mêmes et de
ce que notre présence à nous-même a toujours d’indiscret en même
temps que de nécessaire.
En
forçant hors de soi la paresse égocentrique, le contact du réel
comprime la turbulence du désir informe, le contraint à choisir des
dessins précis et limités, à passer du somptueux néant des
possibles à la réalité dépouillés et forte du réalisé.
La
passion du réel est une passion déchirante : nous ne pouvons
nous fixer ni dans l’adaptation objective qui nous mécanise, bien
qu’elle soit utile à son plan, et nécessaire à notre assiette
spirituelle ; ni dans le refus de réaliser, bien qu’il prenne
quelquefois une valeur de salut métaphysique. Le pathétique du réel
est le pathétique d’une tension irrésolue.
Emmanuel
Mounier, Traité
du caractère
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