jeudi 15 décembre 2016

Grand prix


Quand les gens me demandaient qui avait déjà reçu ce Grand Prix, je disais à chaque fois : que des trous du cul, et quand ils me demandaient de citer ces trous du cul, je leur citais toute une série de trous du cul, qui leur étaient tous inconnus ; ces trous du cul n'étaient connu que de moi !.. 
 
Thomas Bernhard, Mes prix littéraires


mercredi 14 décembre 2016

La grande bêtise




Nombreux sont les malins, peu usent de la bêtise.
L'esprit comme bois ou pierre est sans compréhension,
Pourtant en son milieu gît une clairvoyance :
Une certaine bêtise de l'idiotie diffère.

Chushi Fanqui (1296-1370) 

mardi 6 décembre 2016

Des plans qui ne sont pas là


Mon rêve c'est la persuasion clandestine. Je voudrais que les gens aient vu des plans qui ne sont pas là, qu'ils repensent à leur passé, qu'ils fassent une plongée dans leur passé. Je voudrais provoquer des associations d'idées, faire surgir des hasards, favoriser des rencontres plus ou moins concertées.

François Truffaut 

mardi 22 novembre 2016

Lucien Clergue (4)

Le Momo à Marseille




Alain Paire, qui sait de quoi il retourne, nous parle de la présence d'Antonin Artaud à Marseille dans ce film de huit minutes. On y voit le poète, les lieux qu'il a habité. On nous dit aussi ce qu'il en pensait. Ceci dit, on ne perdra pas son temps en allant sur le site d'Alain Paire car d'autres explorations du surréalisme s'y trouvent.



lundi 21 novembre 2016

L'herbe à Nicot




On se souvient surtout de James Matthew Barrie comme le créateur de Peter Pan. Il est aussi l'auteur de nombreux autres textes dont le très anglais, et fort savoureux, My Lady Nicotine publié aux éditions du Nouvel Attila. Cette ode au tabac, et aux pouvoirs de la fumée nicotinée, est aussi, sans avoir l'air d'y toucher – by the grace of the understatement - , une subtile réflexion sur la vie telle qu'elle va. 
Ainsi, on apprendra, dans la présentation qu'en font les éditions du Nouvel Attila, qu' un club de gentlemen anglais, fumeurs invétérés, se réunit chaque soir autour d’un tabac magique, l’Arcadie, pour discuter, se raconter des histoires, des souvenirs, bâtir des plans sur la comète et des châteaux en Espagne… L’impact du tabac sur leurs histoires d’amour, leur mariage, leurs vacances, leurs relations familiales et professionnelles, est raconté avec un humour terriblement écossais.


lundi 7 novembre 2016

Dans l'attente de la banqueroute générale




On peut trouver cette illustration sur le site La Plume dans l'oeil. Elle m'a semblé illustrer avec une cruelle acuité cette lente apocalypse du présent que nous accompagnons de nos pauvres élucubrations. 

J'ai pensé à ces lignes de Baudouin de Bodinat, déjà citées, en me demandant si il était toujours possible de parler la douce langue natale... 

"Que c'est justement dans cette atmosphère d'Autant en emporte le vent sur fond d'incendies planétaires et dans l'attente de la banqueroute générale qui doit se produire dans très peu de temps, où la peur s'affole de n'avoir nulle part où se cacher, que chaque instant peut prendre, ainsi détaché, cet éclat admirable, d'un sentiment si vif, complexe, presque douloureux ; et que c'est justement dans cette précipitation des circonstances, et l'écroulement de toutes les régularités et conventions de la vie sociale, dans ce trouble universel, que la civilisation se réfugie au fond de ces solitudes à deux, que l'amour recueille ce que l'affolement et la fièvre ne veulent plus : la confiance, le calme, la délicatesse, la civilité, l'amitié, le rire et l'intelligence réciproque ; qu'on y entend parler encore la douce langue natale. "


mercredi 2 novembre 2016

Quelque chose de moins amer




Par là, la phrase de Vinteuil avait [...] épousé notre condition mortelle, pris quelque chose d’humain qui était assez touchant. Son sort était lié à l’avenir, à la réalité de notre âme dont elle était un des ornements les plus particuliers, les mieux différenciés. Peut-être est-ce le néant qui est le vrai et tout notre rêve est-il inexistant, mais alors nous sentons qu’il faudra que ces phrases musicales, ces notions qui existent par rapport à lui, ne soient rien non plus. Nous périrons mais nous avons pour otages ces captives divines qui suivront notre chance. Et la mort avec elles a quelque chose de moins amer, de moins inglorieux, peut-être de moins probable. 

Marcel Proust, Un amour de Swann 

 

mercredi 26 octobre 2016

La moitié des espèces animales vertébrées a disparu en quarante ans



Les populations de vertébrés ont chuté de 58 % entre 1970 et 2012. Les milieux d’eau douce sont les plus affectés, avec un effondrement de 81 % sur la période, devant les espèces terrestres (− 38 %) et celles marines (− 36 %). Si rien ne change, ces populations pourraient avoir diminué en moyenne des deux tiers (67 %) d’ici à 2020, en l’espace d’un demi-siècle seulement. « Ces chiffres matérialisent la sixième extinction des espèces : une disparition de la vie sur la planète dont nous sommes en partie responsables », dénonce Pascal Canfin, le directeur général du WWF France.

In Le Monde de ce 27 octobre 2016

mercredi 19 octobre 2016

Bruges la morte



Lu dernièrement Bruges-la-morte de Georges Rodenbach (1855-1898) dont les effluves à la fois symbolistes et décadendistes composent un admirable poème dans une Bruges figée par l'obsession d'un homme qui tente d'immobiliser le temps pour retrouver sa morte. Une iconographie, vraisemblablement travaillée à l'époque de sa publication en feuilleton dans le Figaro en février 1892, accompagne ce récit de troublante façon. 



" Dans l'atmosphère muette des eaux et des rues inanimées, Hugues avait moins senti la souffrance de son cœur, il avait pensé plus doucement à la morte. Il l’avait mieux revue, mieux entendue, retrouvant au fil des canaux son visage d’Ophélie en allée, écoutant sa voix dans la chanson grêle et lointaine des carillons.

Dans cette solitude du soir et de l’automne, où le vent balayait les dernières feuilles, il éprouva plus que jamais le désir d’avoir fini sa vie et l’impatience du tombeau. Il semblait qu’une ombre s'allongeât des tours sur son âme ; qu’un conseil vînt des vieux murs jusqu'à loin ; qu'une voix chuchotante montât de l'eau s’en venant au devant de lui, comme elle vint au devant d'Ophélie."


mardi 11 octobre 2016

Paul Valéry (1871-1945)


Trouver n'est rien. Le difficile est de s'ajouter ce que l'on trouve.

Paul Valéry, La soirée avec Monsieur Teste 

mercredi 5 octobre 2016

La goutte et la pierre


L'encre serait-elle l'étendard de l'impuissance ? Un chiffon brandi a défaut du poing ? Écrire, est-ce ne pas agir ? Est-ce entasser un mur de ballots autour du camp et, ainsi retranché, lancer dans le brouhaha du monde des flèches sans pointe ni empennage ? 

Je ne crois pas à ces sirènes du découragement, à cet idéalisme continuellement rossé sur la place publique pour que personne ne s'en approche ou n'ait même l'idée de le faire. De tout temps, une goutte a pu briser la pierre. Un mot peut briser le sortilège pour parvenir à ceux qui n'attendaient que lui pour donner un nom de fleur à leur révolte.


dimanche 2 octobre 2016

Dark passage








Rien de pire que le cortège des angoisses et de la mélancolie car qui charrie ce gouffre en lui inspire la peur à qui se porte bien. Pestiféré invisible, il suscite la fuite. Vieux réflexe animal : qui ne recule quand un fossé se révèle ? Rien de moins séduisant, de moins agréable que cet être là. Donne-t-il le change, masqué d'enthousiasme, que ses ondes voraces figent celui qui veut vivre. Pourquoi blâmer le vivant qui s'enfuit ? Seuls les chamanes et les sorciers sont immunisés contre une bile de ce tonneau là. Grand infréquentable, le mélancolique inquiète, en miroir fou de la lucidité. Poids mort, c'est le morne répétiteur de vérités qu'il faut oublier. C'est l'âme noire, la flammèche de notre fragilité, l'incarnation de ce que nous voulons oublier de notre destin. C'est le corps gris de notre impuissance, le réflexe panique de qui cogne le noyé. C'est l'habitant du lac mort, des rochers que nulle gravure n'entame sur cette grève à la marée pétrifiée. Rien de moins attirant que cette impuissance là, cet effarement indigne, ce pelotonnement tremblotant autour de l'étincelle d'espoir. Vortex grisâtre, vampire passif, étoile morte, il a beau lutter pour épargner ses victimes, sa présence est un poids de panique autour de la nuque d'autrui. Ultime locataire de la solitude, il est l'orphelin de l'élan.



vendredi 30 septembre 2016

28 septembre 1966



Comme n'a pas oublié de le rappeler Eric Poindron : 
le 28 septembre 1966 disparaissait André Breton.

"Le mot exil n'a pas grand sens pour moi".

Lettre à Simone Kahn, jeudi 29 juillet 1920

Sentier de traverse


L'enfant demandant à ses parents d'où viennent les bébés vit ici la première occasion d'un « conflit psychique », dans la mesure où des opinions, pour lesquelles il éprouve une préférence de nature pulsionnelle, mais qui ne sont pas « bien » aux yeux des grandes personnes, entrent en opposition avec d'autres, qui sont fondées sur l'autorité des « grandes personnes », mais qui ne leur conviennent pas à eux.

La rumination obsessionnelle et la « scène » hystérique ont donc pour origine non pas une jouissance inégalable ni une expérience sexuelle dégoutante mais une capitulation de la pensée comme « pulsion de recherche indépendante ».

D'après la Psychanalyse négative de Pierre Eyguesier


mardi 20 septembre 2016

Violette


Ce que tu fuyais
Tu ne pouvais le perdre que dans les bras du hasard
Qui rend si flottantes les fins d'après-midi de Paris
             autour des femmes aux yeux de cristal fou
Livrées au grand désir anonyme
Auquel fait merveilleusement uniquement
Silencieusement écho
Pour nous le nom que ton père t'a donné et ravi

André Breton, Violette Nozières, 1933.

vendredi 16 septembre 2016

Médiocratie


Pour une fois que Telerama ne déçoit pas, cela vaut la peine d'être signalé. Ainsi, cet entretien avec le philosophe québécois Alain Deneault sur son concept de médiocratie qu'il désigne comme " un régime où la moyenne devient une norme impérieuse qu'il s'agit d'incarner".

Une norme, selon Deneault, qui vient : " d'abord de la division et de l'industrialisation du travail qui ont transformé les métiers en emplois. Marx l'a décrit dès 1849. En réduisant le travail à une force puis à un coût, le capitalisme l'a dévitalisé, le taylorisme en a poussé la standardisation jusqu'à ses dernières logiques. Les métiers se sont ainsi progressivement perdus, le travail est devenu une prestation moyenne désincarnée. Aux yeux d'un grand nombre de salariés, qui passent de manière indifférente d'un travail à un autre, celui-ci se réduit à un moyen de subsistance. Prestation moyenne, résultat moyen, l'objectif est de rendre les gens interchangeables au sein de grands ensembles de production qui échappent à la conscience d'à peu près tout le monde, à l'exception de ceux qui en sont les architectes et les bénéficiaires."

Pour Deneault, la "gouvernance" constitue " le versant politique de la genèse de la médiocratie. D'apparence inoffensive, le terme de gouvernance a été introduit par Margaret Thatcher et ses collaborateurs dans les années 80. Sous couvert de saine gestion des institutions publiques, il s'agissait d'appliquer à l'Etat les méthodes de gestion des entreprises privées supposées plus efficaces.
La gouvernance, qui depuis a fait florès, est une forme de gestion néolibérale de l'Etat caractérisée par la déréglementation et la privatisation des services publics et l'adaptation des institutions aux besoins des entreprises. De la politique, nous sommes ainsi passés à la gouvernance que l'on tend à confondre avec la démocratie alors qu'elle en est l'opposé.
Dans un régime de gouvernance, l'action politique est réduite à la gestion, à ce que les manuels de management appellent le « problem solving » : la recherche d'une solution immédiate à un problème immédiat, ce qui exclut toute réflexion de long terme, fondée sur des principes, toute vision politique du monde publiquement débattue. Dans le régime de la gouvernance, nous sommes invités à devenir des petits partenaires obéissants, incarnant à l'identique une vision moyenne du monde, dans une perspective unique, celle du libéralisme."

L'intégralité de cet entretien est ici


mardi 13 septembre 2016

Notre consolation


Comme nous le rappelait notre chère Florence de Noël 69 à Clermont-Ferrand, nous fêtions le 13 septembre l'anniversaire de Jacqueline Bisset. 

mercredi 7 septembre 2016

Menace sociale



Le site du journal Fakir livre quelques lignes de l'interview de l’épidémiologiste Richard Wilkinson, auteur de Pourquoi l’égalité est meilleure pour tous. On pourra retrouver l'intégralité du propos .


R.W. : Vous parlez de convertir des personnes riches. Ce n’est pas le sujet. Le sujet, c’est la démocratie. Les Etats-Unis et de nombreux pays développés sont devenus plus égalitaires pendant les années trente seulement parce qu’ils avaient peur du communisme et du syndicalisme. Pendant toute une période ils ont réduit les inégalités. Quand des protestataires ont secoué la voiture d’un dirigeant de la Bank of Scotland, ont cassé sa fenêtre, eh bien, ce jour-là, je crois que ce financier a commencé à s’inquiéter, à se soucier de comment il était vu, jugé. Les riches n’abandonnent leur position que face à une menace sociale. C’est aux gens, pas aux riches, de prendre conscience de ces injustices, et du fait que les oligarques ne méritent pas ces privilèges.

F.R. : Donc, il faut créer une menace sociale pour changer Bernard Arnault ?

R.W. : Notre regard sur les riches doit changer, il faut en finir avec l’admiration, ou la déférence. On devrait les considérer comme des égoïstes, des antisociaux, les mépriser, et qu’ils le sachent. C’était le cas dans la préhistoire. Christopher Boehm, un expert des sociétés de cueillette et de chasse, a rassemblé des données sur deux cents sociétés différentes. La plupart étaient extraordinairement égales, basées sur le partage de la nourriture, l’échange de dons. D’après lui, ils maintenaient l’égalité en ridiculisant ceux qui se voulaient supérieurs, ou ils les exilaient, et dans certains cas, ils étaient même tués. Il montre comment ce qu’il appelle des « stratégies contre les dominants » fonctionnaient.

F.R. : Maintenant, vous voulez le tuer !

R.W. : Dans une certaine mesure, les démocraties modernes sont une « stratégie contre les dominants », mais c’est une contrainte inefficace. Il faut la rendre plus efficace.


mardi 6 septembre 2016

Bosc à la Comédie


Les camarades des Âmes d'Atala ont déniché cet interview de l'écrivain David Bosc à l'occasion de l'estivale Comédie du livre de Montpellier (tout un programme ce titre...). On y retrouve avec plaisir l'auteur de Sang lié, de La claire fontaine et de Mourir et puis sauter sur son cheval.


jeudi 1 septembre 2016

Se souvenir de Jack Kerouac (1922-1969)


Une ville de Californie funèbre hagarde horrible je-ne-peux-pas-continuer-qu'est-ce-que-je-fous-ici mierda. Oh ! Qui a vécu et souffert en Amérique comprend ce que je veux dire. Me comprennent ceux qui ont quitté Cleveland dans des wagons de charbon ou qui ont bayé aux corneilles devant les boîtes aux lettres à Washington ! Ceux qui ont saigné à Seattle, saigné dans le Montana. Ceux qui ont traîné la semelle à Minneapolis. Ceux qui sont morts à Denver. Ou ont pleuré à Chicago ou dit à Newark : "Désolé, je me fais la malle." Ceux qui ont vendu des chaussures à Winchendon. Qui se sont bagarrés à Philadelphie. Ou se sont cuités à Toonerville. Je vous le dis, rien n'est plus épouvantable que de déambuler dans les rues désertes d'une ville américaine à l'aube.

Les anges vagabonds

mercredi 31 août 2016

Bien débuter la rentrée


Dans 1177 avant J.-C. Le jour où la civilisation s'est effondrée, l'anthropologue et historien américain Eric H. Cline présente la chose comme ça :

"Un réchauffement climatique suivi de sécheresse et de famines, des séismes, des guerres civiles catastrophiques, de gigantesques mouvements de populations fuyant leurs terres d’origine, des risques systémiques pour les échanges internationaux…"

Cette situation, qui nous rappelle bien des choses, ne concerne pas notre époque mais, comme le titre l'indique, la fin de l'Âge du bronze, une époque ou « toutes les civilisations de la Méditerranée grecque et orientale se sont effondrées presque simultanément ».

Cline nous décrit des « sociétés connectées qui possédaient une langue commune, échangeaient de multiples biens (grains, or, étain et cuivre, etc.), alors que les artistes circulaient d’un royaume à l’autre. Les archives découvertes témoignent de mariages royaux, d’alliances, de guerres et même d’embargos. En somme, une "mondialisation" avant l’heure, confrontée notamment à des aléas climatiques qui pourraient avoir causé sa perte… ».

Une façon comme une autre d'apprendre à chuter... 

jeudi 21 juillet 2016

Lucien Clergue (3)


Se souvenir de Malcom Lowry (1909-1957)





Oui, elle le comprenait maintenant, toute cette histoire de taureau, c'était comme une vie : l'importante naissance, la belle chance, le tour de l'arène d'abord hésitant, puis assuré, puis à demi désespéré, un obstacle aplani - exploit mal reconnu - puis l'ennui, la résignation, l'effondrement; puis une autre naissance, plus convulsive ; un nouveau départ ; les efforts circonspects pour s'y reconnaître dans un monde maintenant franchement hostile ; l'encouragement apparent, mais décevant, de ses juges , dont plus de la moitié étaient endormis ; les embardées dans les commencements du désastre, à cause de ce même obstacle négligeable qui avait été jadis franchi d'un coup, la chute finale...

Au-dessous du volcan


mercredi 20 juillet 2016

Les bons conseils de l'été



Transcrivez sur vos tablettes l'espèce d'égarement qui vient de vous enflammer sans oublier aucune des circonstances qui peuvent en avoir aggravé les détails, endormez-vous sur cela, relisez vos notes le lendemain, et en recommençant votre opération, ajoutez tout ce que votre imagination, un peu blasée sur une idée qui vous a déjà coûté du foutre, pourra vous suggérer de capable d'en augmenter l'irritation. Formez maintenant un corps de cette idée, et, en la mettant au net, ajoutez-y tous les épisodes que vous conseillera votre tête.

Donatien Aldonze François de Sade, Histoire de Juliette


dimanche 17 juillet 2016

Lucien Clergue (2)


Consumation



Le puritain voulait être un homme besogneux – et nous sommes forcés de l’être. Car lorsque l’ascétisme se trouva transféré de la cellule des moines dans la vie professionnelle et qu’il commença à dominer la moralité séculière, ce fut pour participer à l’édification du cosmos prodigieux de l’ordre économique moderne. Ordre lié aux conditions techniques et économiques de la production mécanique et machiniste qui détermine, avec une force irrésistible, le style de vie de l’ensemble des individus nés dans ce mécanisme – et pas seulement de ceux que concerne directement l’acquisition économique. Peut-être le déterminera-t il jusqu’à ce que la dernière tonne de carburant fossile ait achevé de se consumer.

Max Weber, L’Ethique protestante et l’esprit du capitalisme

 

lundi 11 juillet 2016

Lucien Clergue


Bon anniversaire Léon (11 juillet 1846)




Les âmes contemporaines sont matelassées d'une épaisse toison de bêtise impénétrable à n'importe quelle balistique de l'Art.

Léon Bloy, Sur la tombe de Huysmans


mercredi 6 juillet 2016

Cognosco, cognoscere


Les copains de Pièces & Main d'Oeuvre nous rapportent qu'on a vu "chuter de quatre points, entre 1999 et 2009, le quotient intellectuel (QI) moyen en France. (cf Le Monde, 21 juin 2016) Même déficit en Norvège, au Danemark, au Royaume-Uni, aux Pays-Bas, en Australie, en Suède, en Finlande. « Les trois fonctions cognitives testées (représentation des formes, arithmétique, raisonnement verbal) sont toutes en régression. ». Passons sur cette représentation quantifiée de l’intelligence, réductrice et morcelée, qui en dit plus long sur celle des scientifiques que sur celle des populations. Reste une énorme déperdition des « fonctions cognitives ». 
Et nos compadres de Grenoble d'ajouter :  "Eh quoi ! Vous ne pensiez tout de même pas que les épidémies de cancers et de stérilité seraient les seuls effets de l’empoisonnement chimique du milieu ? La pollution concourt aussi à l’abrutissement général, avec l’alimentation industrielle, l’addiction médiatique et la destruction des lieux de transmission (famille, école, sociétés). (cf. Le Cerveau endommagé, Barbara Demeneix. Editions Odile Jacob)".


mardi 5 juillet 2016

L'étoffe des grèves



"Le parti au pouvoir privé d’université d’été par quelques groupuscules de l’« ultra-gauche anti-démocratique » ? Voilà qui ne laisse pas de surprendre. D’autant que cette annonce survient précisément le lendemain d’une réunion de préparation, à Nantes, des opposants à ce raout, réunion où s’était pressée une foule bigarrée de syndicalistes, d’artistes, de zadistes, de Nuit Deboutistes, de militants, d’associatifs et autres ennemis de la « loi travaille ! ». Réunion, surtout, qui s’était tenue, comme il est de rigueur en plein état d’urgence, sous une scrupuleuse surveillance policière. Il faut dire que l’université d’été du PS allait se dérouler en même temps que les fêtes de l’Erdre, fêtes gratuites qui drainent en ville un public populaire qui aurait pu pousser l’ivresse jusqu’à des excès « révolutionnaires » contre le congrès et les congressistes. L’impopularité du pouvoir en place est-elle si grande qu’il ne puisse même plus se réunir sans un dispositif de sécurité digne des contre-sommets ?"

On retrouvera, avec profit, la suite de cet article sur le site Lundi matin


L'obscénité



J'ai été invité à voir, l'autre soir, à Aix en Provence (cette ville muée en surface commerciale géante) Cosi fan tutte, l'opéra de Mozart mis en scène par le cinéaste Christophe Honoré. Après trois heures de ce spectacle où des noirs sont violentés et humiliés au nom de la dénonciation du colonialisme faciste transalpin, j'ai pensé ceci :

- que le génie de Mozart se révèle aussi dans sa façon de n'abandonner aucune plume aux mises en scène les plus indigentes ;

- qu'à la conclusion de ces trois heures de spectacle, il m'est revenu en mémoire ce sketch de Pierre Desproges où celui-ci, brocardant Marguerite Duras, s'exclame : « Hiroshima, mon amour ! Et pourquoi pas Auschwitz, mon loulou ! ». Et de me demander si, dans quelques années, Cosi fan tutte ne se déroulera pas dans un décor restituant Birkenau ou un camp de la Kolyma. Décor où les fringants Guglielmo et Ferrando, vêtus en total look Hugo Boss*, lutineront Fiordiligi et Dorabella en molestant quelques prisonniers sur l'air de Donne mie la fate a tanti ;

- que, dans la nuit qui a suivi, m'est revenue en mémoire cette définition d'Annie Le Brun dans son ouvrage Si rien avait une forme ce serait ça : 

"L'obscénité n'étant pas en l'occurrence celle qui est traditionnellement bienséant d'accoler à la pornographie mais bien plutôt celle d'une rhétorique excellant à anéantir ce qu'elle célèbre comme à dénier ce qu'elle dénonce". 

* Rappelons qu'Hugo Ferdinand Boss, le fondateur de la marque éponyme, fut un adhérent enthousiaste du parti nazi et produisit les uniformes des SA, des SS ainsi que de la Wehrmacht.

Se vouer


8 count



from my bed
I watch
3 birds
on a telephone
wire.

one flies
off.
then
another.

one is left,
then
it too
is gone.

my typewriter is
tombstone
still.

and I am
reduced to bird
watching.

just thought I'd
let you
know,
fucker.

Charles Bukowski


jeudi 30 juin 2016

A la hausse



Dans le cadre de notre campagne d'été "Haussons, haussons la fréquentation", nous vous proposons aujourd'hui ce détail épidermique de toute beauté obtenu grâce aux avancées de la macroscopie.

mercredi 29 juin 2016

Pauvre(s) inédit(s)




Dans sa dernière étude sur « Les revenus et le patrimoine des ménages », l'Insee relève que le niveau de vie médian des Français a baissé de 1,1 % de 2008 à 2013, ce qui est sans précédent connu. Le recul a même été de 3,5 % pour les 10 % des ménages les plus modestes. L'Institut évoque aussi une « aggravation de la pauvreté inédite en France ».


vendredi 24 juin 2016

Griserie de l'âme




Ce mois passé à Paris (…) fut un mois de griserie pour l’âme. Non seulement j’étais grisé, mais tous l’étaient : les uns de peur folle, les autres de folle extase, d’espoirs insensés. Je me levais à cinq ou quatre heures du matin, je me couchais à deux heures, restant sur pied toute la journée, allant à toutes les assemblées, réunions, clubs, cortèges, promenades ou démonstrations ; en un mot, j’aspirais par tous mes sens et par tous mes pores l’ivresse de l’atmosphère révolutionnaire.

C’était une fête sans commencement et sans fin ; je voyais tout le monde et je ne voyais personne, car chaque individu se perdait dans la même foule innombrable et errante ; je parlais à tout le monde sans me rappeler ni mes paroles ni celles des autres, car l’attention était absorbée à chaque pas par des événements et des objets nouveaux, par des nouvelles inattendues.  (…) Il semblait que l’univers entier fût renversé ; l’incroyable était devenu habituel, l’impossible possible, et le possible et l’habituel insensés. 

Jules Vallès, L’Insurgé (Jacques Vingtras, III)


vendredi 17 juin 2016

Emiliano & Pancho




C'est l'une des photos les plus enthousiasmantes que je connaisse. Nous sommes le 6 décembre 1914 à Mexico, au palais présidentiel.  A gauche sur la photo, l'homme hilare en uniforme est Pancho Villa. A droite, l'homme au regard méfiant et triste avec un sombrero est Emiliano Zapata.



Pour savoir ce que faisaient ces deux hombres à Mexico ce jour là, ainsi que ceux qui suivirent, je ne peux que vous recommander l'épastouflante biographie de Pancho Villa écrite par Paco Ignacio Taibo II.