Laure me tourne le dos. Elle est accoudée à la rambarde qui donne sur la résidence en forme de pyramide inca où elle habite. Nous voilà en juin et le ciel n’a pas encore pris sa teinte de fer chaud. Laure est pâle et coiffe ses cheveux noirs comme une gitane. C’est une danseuse, cela se devine à sa façon de se tenir cambrée, les pieds tournés vers l’extérieur. Elle porte une robe à motifs floraux qui découvre son dos. Je suis troublé par l'ironie de ses yeux bleus. Elle a seize ans, comme moi. Un gouffre.
Laure m’a invité à passer l’après-midi chez elle. Je ne comprends pas ce que je fais ici. Elle est de celles qui, au collège, frayent avec des types qui viennent la chercher en voiture. Pour elle, je ne peux être qu'un nain.
Pourtant, il fait nuit dans sa chambre et nous dormons sur des matelas séparés par la seule barrière de ma niaiserie. Le menton posé sur l'oreiller, je regarde pendant des heures son Mont de Vénus, ganté de coton, resplendir sous la lune comme une montagne salée.
Peu m’importe de savoir si je plaisais à Laure. Je sais simplement que date de ces heures mon envie de conserver ces moments : sur le balcon, Laure se tourne vers moi pour me sourire et l’été prend, à jamais, la dimension d’un continent d’encens brûlés.
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