jeudi 1 octobre 2015

Maître Tchouang


Lorsqu'il vivait au Wei, Tseng Tseu portait une robe molletonnée sans doublure, il avait le visage boursouflé, les mains calleuses et des durillons sous les pieds. Il lui arrivait bien souvent de devoir se passer de manger trois jours d'affilée ; une robe lui durait dix ans. les cordons de son bonnet auraient cassé s'il avait cherché à l'ajuster, ses coudes seraient apparus s'il avait tiré sur ses manches, s'il avait enfilé à fond ses chaussures, le talon se serait fendu. Il traînait ses savates en chantant à tue-tête les hymnes dynastiques des Chang, et sa voix emplissait ciel et terre comme un orchestre de cloches ou de lithophones. Le Fils du Ciel n'aurait pu en faire son ministre ni les princes feudataires un ami.
Le preux qui nourrit de hautes aspirations oublie son corps, le sage qui nourrit son corps oublie les biens matériels, l'homme inspiré qui atteint au Tao oublie sa conscience.

Les Oeuvres de Maître Tchouang.
Traduction de Jean Levi.

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