Nous avons aperçu pour la première
fois dans nos existences ce qui serait encore possible si la machine
infernale s’arrêtait enfin, in extremis. Nous
devons maintenant agir concrètement pour qu'elle ne se relance pas.
Certes, nous ne reviendrons pas sur les
espèces disparues, les millions d'hectares de terres ravagées, de
forêts détruites, sur les océans de plastique et sur le
réchauffement planétaire. Mais de manière inédite dans le
capitalocène, les gaz à effet de serre ont diminué partout ou à
peu près. Des pans de mers, de terres ont commencé doucement à se
désintoxiquer, tout comme l'air des villes suffoquées de pollution.
Les oiseaux sont revenus chanter.
Alors, pour qui se soucie des
formes de vie qui peuplent cette planète plutôt que d'achever de la
rendre inhabitable, la pandémie mondiale dans laquelle nous sommes
plongé.es, en dépit de tous les drames qu'elle charrie, pourrait
aussi représenter un espoir historique. Nous avons paradoxalement vu
se dessiner le tournant que l’humanité aurait dû prendre depuis
bien longtemps : faire chuter drastiquement la nocivité globale de
ses activités. Ce tournant, même les incendies de territoires
immenses, les sécheresses consécutives ou les déflagrations à la
Lubrizol des mois derniers n’avaient pas réussi à nous le faire
prendre.
Cependant, ce tournant que nous
désirions tant, nous n'avons généralement pas pu l'éprouver dans
nos chairs parce que nous étions enfermé.es. Car mis à part dans
certains territoires ruraux et espaces urbains solidaires où
existent déjà un autre rapport au collectif, à la production ou au
soin du vivant, le confinement a été pour la majorité de la
population le début d'un cauchemar. Une période qui renforce encore
brutalement les inégalités sociales, sous pression policière. Et
le drame absolu c’est que, malgré tout ce que la situation a de
bouleversant, nos gouvernants n'en étaient pas moins déterminés à
relancer dès que possible tout ce qui empoisonne ce monde et nos
vies - tout en nous maintenant par ailleurs isolé.es et contrôlé.es
dans des cellules numériques, coupé.es de ce qui fait le sel et la
matérialité de l'existence.
Rien ne les fera bifurquer, si on ne
les y contraint pas maintenant
Au cours des deux derniers mois, les
exposés et tribunes se sont accumulés sur nos écrans à une
rapidité inversement proportionnelle à notre capacité à se
projeter sur des actions concrètes. Les analyses nécessaires
ont été faites sur le lien entre cette épidémie et les flux
économiques mondialisés et leurs dizaines de milliers d'avions, la
déforestation et l'artificialisation des milieux naturels qui
réduisent les habitats des animaux sauvages ou encore l’élevage
intensif. Tout a été dit sur la dimension annonciatrice de la
pandémie, sur la suite de confinements et de désastres à venir si
nous n’en tirons pas les leçons. D'autant que la marche courante
de l'économie et des productions sur lesquelles reposent notre mode
de vie, va continuer à tuer dans les décennies à venir bien
davantage et plus durablement que le covid-19 (2).
Mais pour l’État
et pour les lobbys agro-industriels, aéronautiques, chimiques ou
nucléaires qui guident ses politiques, les conséquences à tirer de
la crise sanitaire sont visiblement toutes autres. Ils en ont tout
simplement profité pour faire sauter quelques lois environnementales
et déverser des pesticides encore plus près des maisons, pour
relancer la construction d’avions ou l’extraction minière en
Guyane… Il est donc maintenant avéré qu’aucune crise, aussi
grave soit-elle, ne les fera dévier du nihilisme absolu de leur
obsession économique. Nous avons eu deux longs mois pour nous en
rendre compte. A nous maintenant d’agir et d’y mettre fin.
Le gouvernement parle du mois de juin
comme d’une "nouvelle marche" dans un déconfinement qui
n'est pour lui qu'une remise en marche de l'économie et de la
destruction du vivant. La seule "marche" sensée c’est au
contraire d’agir concrètement pour l’arrêt des secteurs de
productions les plus empoisonnants. Nous appelons donc à une
première série de mobilisations simultanées le mercredi 17 juin.
Comment agir ?
Le déconfinement en cours doit être un
élan historique de reprise en main sur nos territoires, sur ce qui
est construit et produit sur notre planète. Il doit permettre de
dessiner ce qui est désirable pour nos existences et ce dont nous
avons réellement besoin. C'est une question de survie, davantage que
toutes les mesures et tous les nouveaux types de confinements que
l'on nous fera accepter à l’avenir. Cela signifie construire de
nouvelles manières d'habiter le monde, chacun de nos territoires,
mais aussi accepter de rentrer en conflit direct avec ce qui les
empoisonne. Il y a des industries qui ne se sont pas arrêtées
pendant le confinement et qui doivent aujourd’hui cesser. Il y en a
d’autres qui ont été interrompues et dont l'activité ne doit pas
reprendre. Cela ne pourra se faire sans constituer chemin faisant des
liens avec les travailleurs qui en dépendent économiquement.
L’urgence sociale c’est de penser avec elles et eux les mutations
possibles des activités et les réappropriations nécessaires des
lieux de travail. C'est aussi de contribuer à maintenir un rapport
de force permettant de garantir les revenus pendant les périodes de
transition et les besoins fondamentaux de ceux dont la crise aggrave
encore la précarité. Nous n'atteindrons pas immédiatement toutes
les productions qui devraient l'être. Mais il faut commencer, en
stopper un certain nombre aujourd'hui pour continuer avec d'autres
demain.
Nous appelons en ce sens, les
habitant.e.s des villes et campagnes à déterminer localement les
secteurs qui leur semblent le plus évidemment toxiques -
cimenteries, usines de pesticides ou productions de gaz et grenades
de la police, industrie aéronautique, publicitaire ou construction
de plates-formes amazon sur des terres arables, unité d'élevage
intensif ou installations de nouvelles antennes 5G, clusters
développant la numérisation de l’existence et un monde sans
contact avec le vivant, destructions de forêts et prairies en
cours...
Nous invitons chacun.e localement à dresser de premières
cartographies de ce qui ne doit pas redémarrer, de ce qui doit
immédiatement cesser autour d'eux, en s'appuyant sur les cartes et
luttes existantes (1). Puis nous appelons le 17 juin à une première
série d'actions, blocages, rassemblements... occupations...Viser
sérieusement à se défaire de certains pans du monde marchand,
c’est aussi se doter des formes d’autonomies à même de répondre
aux besoins fondamentaux de celles et ceux que la crise sanitaire et
sociale plonge dans une situation de précarité aggravée. Nous
appelons donc aussi le 17 juin, dans la dynamique des campagnes
covid-entraide et « bas les masques », à des occupations
de terres en villes ou dans les zones péri-urbaines pour des projets
de cultures vivrières, ainsi qu’à de réquisitions de lieux pour
des centres de soins et redistributions.
Nous devons trouver des formes
de mobilisations adéquates à la situation. Nous traversons une
période où chacune d’entre elle peut avoir une portée décuplée.
On peut initier beaucoup à peu (3) mais on doit aussi se donner les
moyens d'être nombreux-ses. Nous nous appuierons sur la ténacité
des zads, la fougue des gilets jaunes, l'inclusivité et
l'inventivité des grèves et occupations climatiques d'une jeunesse
qui n'en peut plus de grandir dans un monde condamné. Nous agirons
en occupant l'espace adéquat entre chaque personne et pourquoi pas
masqués.es quand cela s'avère nécessaire pour se protéger les
un.es les autres, mais nous agirons !
Si vous souhaitez le signer aussi,
nous envoyer un appel à mobilisation locale ou un texte d’analyse
complémentaire, vous pouvez écrire à 17juin@riseup.net.
Ils seront mis à jour et apparaîtront entre autres sur le site
https://17juin.noblogs.org/
et la page facebook https://www.facebook.com/Agir17juin.
Merci pour tout relais !
(1) On peut aller chercher pas mal
d'infos dans la carte superlocalhttps://superlocal.team/
(2) Multiplication des cancers dus
aux pesticides et aux substances toxiques, surpoids, diabète et
hypertension tous trois liés à l’alimentation industrialisée
(qui touche un tiers de l’humanité et se trouve être aussi la
principale co-morbidité des malades atteints du covid-19), morts
prématurés de la pollution atmosphérique, résistance bactérienne
liée à la surconsommation d’antibiotiques, et à une échelle
autre qu’humaine, effondrement de la biodiversité, sixième
extinction de masse, un milliard d’animaux tués dans les incendies
australiens sans fin l’été dernier.
(3) Voir par exemple le lien vidéo
sur l’occupation d’une cimenterie Lafarge par « partagez
c’est sympa » peu de temps le début du confinement :
https://blogs.mediapart.fr/partager-cest-sympa/blog/110320/fin-de-chantier-lafarge-est-bloque
et d'autres
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