jeudi 20 juin 2024

Corpus & spiritus

 


À quoi bon cacher nos gestes et nos envies ? L’intimité n’est plus l’intimité puisqu’elle est l’intimité de tout le monde. Un monde où le semblable et l’uniforme surgissent partout où se porte le regard. Si l’âme, lentement rongée depuis 50 ans, a perdu ses propres couleurs, le corps n’a guère échappé aux ingénieurs. La santé, credo tant publicisé, n’est qu’un masque derrière lequel triomphe la loi de la forme. Esseulé et contraint, le corps n’a plus d’autre densité que celle de l’image.

 

dimanche 16 juin 2024

My country, right or left ?



Longtemps, il a été facile de faire la nique au grossier chantage que composaient les pseudo duels Mitterrand/Le Pen, Chirac/Le Pen puis, plus tardivement, Macron/la fille du susdit. À cette trop visible entourloupe s’ajoutait le peu de goût que nous avons pour la démocratie participative et son cortège de carriéristes dopés à l’indépassable horizon du Marché.

Et voilà qu’une dissolution offre possiblement les clefs du palais Bourbon à des fascistes. On ne glosera pas ici sur le niveau de cynisme, d’inconscience et de suffisance de l’homme qui a pris cette décision. Rien de surprenant chez ce coursier du Capital depuis que nous avons le malheur de le connaître.

Penchons-nous plutôt sur cette nouvelle séquence, sur ce choix à faire entre une peste brune et un choléra aux couleurs aussi mélangées que mélanchoniques.

D’un côté, Méluche et ses ambiguïtés antisionistes, Méluche et sa trouble indulgence pour le pays poutinien, son relativisme anti universaliste, Méluche et l’agressive vulgarité de ses féaux, leur arrivisme criard. Quant aux autres : poussières de sociaux traîtres, ex-staliniens, écologistes d’opérette, et quelques sincères pékins isolés dans cet hâtif bouillon…

Leur programme ? Un gros plein des habituelles bonnes intentions : abolition de la réforme des retraites, de l’assurance chômage et de la loi immigration, etc. Quelques mesures, certes pas inutiles pour celles et ceux, de plus en plus nombreux, qui en pâtissent, mais qui n’aboliront pas le monde qui les a produit pour autant, au contraire. Business as usual.

De l’autre côté, le risque de voir une poignée de bandits accéder aux manettes (peut-être moins libres qu’ils ne le croient quand on observe la Méloni) pour instaurer, sous les yeux doux du Capital qui se sera toujours historiquement accommodé de ce voisinage, un régime, ou tout le moins des mesures, une atmosphère encore plus délétère qu'aujourd'hui pour les amants de la liberté et de l’autonomie.

N’en doutons pas, même si ce bloc national n’hérite que d’une majorité relative, ce score décomplexera moult citoyens dans leur commune détestation de ce qui n’est pas eux. On repense, ici, au récit que nous a fait un ami américain sur les lendemains de l’élection trumpienne aux States et de l’attitude des MAGA (citoyens de base comme policiers) les lendemains de celle-ci.

Bref, si la clique macronienne n’aura eu de cesse de poursuivre le travail de démantèlement social entamé par les précédentes cliques mitterandiennes, chiraquiennes, sarkozardes et hollandistes, nulle doute que le brun cliquet finira méchamment le boulot.

Toutes ces interrogations, sur le vieux fond craquelé d’un démocratisme parlementaire en phase de décomposition avancée. Tout cela en pensant que si la classe politicienne dans son ensemble est justement discréditée parce qu’aussi incapable que vendue au Capital, le système dont elle fait partie constitue néanmoins la part du lion de notre réel, une part qui a une influence non négligeable sur notre quotidien, que l’on le veuille ou pas. Surtout quand on est pauvre, noir, juif et borgne, comme le disait ce bon vieux Sammy.

Alors ?

Alors, incarnons.

Incarnons un épicier, obligé par les circonstances de peser, de mesurer et de supputer. Et voyons où ça nous mène.

Y-a t-il, cette fois-ci, réellement danger, comme nous le claironnent les médiatiques ? Faut-il alors confier notre bulletin à l’autoproclamé Front Populaire, dans l'espoir d'éviter le bloc nationaliste ? Doit-on céder à la vieille entourloupe ? Sauver nos meubles déjà brûlés ? Penser aux copains, aux copines, réfugiées sur cette terre gaste ? Ou doit-on parier sur la possibilité d’un score mineur du bloc nationaliste ? Invoquer un hypothétique « barrage républicain » ? Rire de l’habituel jeu de tric-trac de nos politiques, toute espèce confondue ? Se dire que quelle que soit la clique qui accédera aux affaires, les nôtres n’empireront pas plus rapidement qu’auparavant ? Que les pauvres ne seront pas plus pauvres, que les salariés ne seront pas plus aliénés, que la nature n’en sera pas plus dévastée, que les noyés de Méditerranée n’en boiront pas plus d’eau ? Qu’on peut donc bouder l’urne comme avant et conserver tout son chic radical ?

Peut-être.

Honnêtement, pourquoi pas.

Et pourtant, à considérer l’époque, on doute aussi. On observe le ciel et on croit discerner un sinistre alignement des astres : un capitalisme en crise ; des crises, économiques et écologiques, semblablement éternelles ; la garantie d’une extinction de l’humanité à plus ou moins brève échéance ; le cynisme et l’arrogance en roue libre des possédants ; la pénétration et l’utilisation sans vergogne des idées fascistes dans le clan droitier ; et puis des générations élevées aux lois du Spectacle dont l’égarement, le désespoir, la colère, la paupérisation, mais aussi l’inculture politique et historique savamment entretenue, pourraient pousser à toutes les « aventures ».

On repense alors à Antonio Gramsci : « Le vieux monde se meurt, le nouveau monde tarde à apparaître et dans ce clair-obscur surgissent les monstres ».

On repense à Yohann Chapoutot affirmant qu’il y a quelques années, quand on l’interrogeait sur l’existence possible de similarités entre les années 30 et notre époque, il n’en voyait pas mais qu’aujourd’hui il serait moins formel.

Et on doute.

Et voilà que nauséeux et contraint, peu sûr de son fait, on se dit qu'on ira peut-être aux urnes et, conscient de friser de près le point Godwin et d’être un tantinet en-dehors du sujet, on évoque cet article de George Orwell écrit lors de l’entrée en guerre de l’Angleterre contre les nazis : My country, right or left.

Pauvres et précieuses reliques à interroger derechef.

On les relira avant de voter, ou de ne pas voter, car on n'est pas certain d’avoir tout saisi. 

En véritable âne de Buridan égaré sur le terrain de cricket du Capital.


samedi 8 juin 2024

Ahmed Zitouni 1949 - 2024

 


Homme entier, écrivain dont le verbe saboulait sans indulgence les lâchetés de ce monde, Ahmed Zitouni a rejoint l'orient éternel il y a quelques jours. Loin, très loin des tiédeurs compassées du landerneau littéraire qu'il vomissait, le verbe d'Ahmed portait haut le cri de l'écorché qu'il était et de tous les laissés pour compte, déplacés et autres mal-vivants que martyrise à l'envie notre époque.

Pour goûter à son suc acerbe, on lira parmi d'autres les fuligineux Attilah Fakir, Une difficile fin de moi ou Y a t-il une vie avant la mort ?

La paix sur toi, Ahmed.

 

jeudi 6 juin 2024

Les jeux et le peuple

 

Glanée sur le site de notre lexomaniaque préféré, cette authentique publicité parue à l'occasion des Jeux Olympiques de Berlin en 1936. 

On apprendra également, en lisant cette chronique parue sur la France Culture, que la cérémonie de la flamme olympique a été inventée par les nazis à l'occasion de ces JO, comme l'explique l'excellent historien Johann Chapoutot : « Berlin 1936, pour le dire clairement, ce sont les Jeux par excellence, et la matrice des Jeux contemporains. Les nazis ont tout inventé : la course de relais de la flamme olympique, certes, mais aussi la mise en musique médiatique […] le classement des nations au nombre de médailles obtenues et l’édification d’infrastructures gigantesques, du site olympique au village des athlètes, en passant par la décoration des principaux axes et places de la capitale allemande. »

Une bonne manière de rendre hommage aux mânes de Pierre de Coubertin et de remettre en perspective les prochains ébats parisiens de nos athlètes.

lundi 3 juin 2024

De sable, d'eau et d'air

 


Cher Monsieur Dupierreux,

La bêtise est un spectacle fort affligeant mais la colère d'un imbécile est quelque chose de réconfortant. Aussi je tiens à vous remercier pour les quelques lignes consacrées à mon exposition, tout le monde m'assure que vous êtes une vieille pompe à merde et que vous ne méritez pas la moindre attention. Il va sans dire que je n'en crois rien et vous prie de croire, cher Monsieur Dupierreux , en mes sentiments les meilleurs.

Magritte