Pour celles et ceux qui souhaiteraient juger l'intervention macronienne d'hier soir de façon un tantinet dialectique, nous vous proposons la lecture, in extenso, de l'article de Loan Nguyen dans l'Humanité du 4 décembre dernier.
L’Assemblée
entérine 40 milliards d’euros de cadeau fiscal au patronat
Adoptée
en lecture définitive hier par les députés, la transformation du
CICE en allégement de cotisations sociales apparaît comme un
nouveau signe d’une politique aux antipodes des exigences des
gilets jaunes.
Complètement
à rebours des revendications sociales qui montent dans le pays
depuis quelques semaines, l’Assemblée nationale entérinait, hier,
la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2019, dont le
contenu ne fait que confirmer l’orientation austéritaire et
pro-patronale poursuivie par le gouvernement.
À côté des
restrictions posées aux budgets des hôpitaux, la majorité LaREM ne
bouge pas d’un cheveu sur sa politique de cadeaux aux grandes
entreprises en adoptant en lecture définitive le versement de 20
milliards d’euros de CICE (crédit d’impôt pour la compétitivité
et l’emploi) et de CITS (crédit d’impôt sur la taxe sur les
salaires) au titre de l’année 2018, mais également la
transformation de ces avantages en allégements pérennes de
cotisations patronales d’assurance maladie de 6 points pour
les rémunérations allant jusqu’à 2,5 Smic au 1er
janvier 2019. Puis dans un second temps, à compter du 1er
octobre 2019, un allégement supplémentaire de 4 points
imputés sur l’assurance chômage et les retraites complémentaires
pour les salaires au niveau du Smic et de manière dégressive
jusqu’à 1,6 Smic. Une facture salée pour les caisses de
l’État et disproportionnée par rapport aux effets de ce
dispositif observés sur l’emploi.
« La transformation du CICE
en réductions de cotisations sociales se traduit en 2019 par un
quasi-doublement du coût budgétaire, avec, d’un côté, la
créance de CICE au titre des années précédentes et, de l’autre,
la dépense fiscale due à la réduction des cotisations sociales
équivalentes pour les salaires de 2019 », soulignaient, en
octobre, des économistes de l’Institut des politiques publiques
(IPP), chiffrant par ailleurs à 0,8 point de PIB l’impact
d’une telle mesure sur le déficit public. La transformation de
cette aide en allégement de cotisation devrait, par ailleurs,
bénéficier aux secteurs intensifs en main-d’œuvre peu qualifiée
comme l’hôtellerie et la restauration, les services administratifs
ou encore la santé et l’action sociale, d’après l’IPP.
Créé
fin 2012 par le gouvernement de François Hollande pour
« alléger le coût du travail » et relancer la création
d’emplois, le CICE n’a eu de cesse de monter en puissance,
passant de 4 % à 6 % de la masse salariale en 2014, sans
pourtant jamais faire la preuve de son efficacité macroéconomique.
« Les évaluations de l’impact du CICE ont été plutôt
mitigées, avec des effets positifs sur les marges des entreprises,
mais des effets modestes sur l’emploi, et quasi nuls sur
l’investissement », rappelait l’IPP. Vu son mode de calcul, le
dispositif a essentiellement profité aux grands groupes.
Chez
Carrefour, premier employeur privé de France, la CGT estime à 744
millions d’euros le montant du CICE versé ces cinq dernières
années au poids lourd de la grande distribution. La Poste et la SNCF
touchent chacune environ 300 millions d’euros annuels au titre de
ce cadeau fiscal. Le groupe Banque Populaire – Caisse d’Épargne
en tire, de son côté, environ 100 millions d’euros par an. Mais
plutôt que d’utiliser cette manne pour créer des emplois, ces
groupes ont en grande partie favorisé la restauration de leurs
marges et le gonflement de leurs bénéfices. Un pur « effet
d’aubaine », pour la CGT.
Ironie
cruelle de l’affaire, à l’heure où les taxes sur les carburants
augmentent pour le commun des consommateurs au nom de la transition
écologique, c’est justement ces recettes issues de la fiscalité
écologique qui seront censées compenser en partie les trous
budgétaires laissés par la transformation du CICE en baisse de
cotisations. De quoi jeter encore de l’huile sur le feu.