Les big data suggèrent un
savoir absolu. Tout est mesurable et quantifiable. Les choses
révèlent leur corrélations restées jusqu'ici secrètes. Le
comportement humain doit lui aussi devenir exactement prévisible. On
proclame un nouvel âge du savoir. Les corrélations remplacent la
causalité. Le « C'est comme ça » remplace le
« Pourquoi ça ? ». La quantification numérique
de la réalité chasse l'esprit hors du savoir.
[...]
C'est avant tout le « concept »
qui génère la connaissance. Le concept, C, comprend en lui A
et B et c'est grâce à lui que sont saisis, compris A et B.
Il est la relation supérieure qui contient A et B, et à partir de
laquelle on peut fonder leur rapport. A et B sont ainsi les « moments
d'un tiers supérieur ». La connaissance ne peut
commencer qu'au niveau du concept : « Le concept, immanent
aux choses elles-mêmes, est ce par quoi elles sont ce qu'elles sont,
et comprendre un objet veut donc dire devenir conscient de son
concept* ». Ce n'est qu'à partir du concept englobant,
C, qu'il est possible de saisir et comprendre
complètement la corrélation entre A et B. Les big data sont sans
concept et sans esprit. Le savoir absolu que suggèrent les
big data n'est que l'absolu du non-savoir.
Byung-Chul Han, Psychopolitique, Le
néolibéralisme et les nouvelles techniques de pouvoir
* G.W. Hegel
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