vendredi 27 octobre 2017

A, B et C



Les big data suggèrent un savoir absolu. Tout est mesurable et quantifiable. Les choses révèlent leur corrélations restées jusqu'ici secrètes. Le comportement humain doit lui aussi devenir exactement prévisible. On proclame un nouvel âge du savoir. Les corrélations remplacent la causalité. Le « C'est comme ça » remplace le « Pourquoi ça ? ». La quantification numérique de la réalité chasse l'esprit hors du savoir.
[...]
C'est avant tout le « concept » qui génère la connaissance. Le concept, C, comprend en lui A et B et c'est grâce à lui que sont saisis, compris A et B. Il est la relation supérieure qui contient A et B, et à partir de laquelle on peut fonder leur rapport. A et B sont ainsi les « moments d'un tiers supérieur ». La connaissance ne peut commencer qu'au niveau du concept : « Le concept, immanent aux choses elles-mêmes, est ce par quoi elles sont ce qu'elles sont, et comprendre un objet veut donc dire devenir conscient de son concept* ». Ce n'est qu'à partir du concept englobant, C, qu'il est possible de saisir et comprendre complètement la corrélation entre A et B. Les big data sont sans concept et sans esprit. Le savoir absolu que suggèrent les big data n'est que l'absolu du non-savoir.

Byung-Chul Han, Psychopolitique, Le néolibéralisme et les nouvelles techniques de pouvoir

* G.W. Hegel


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