Le premier essor du cinéma, comme cinéma primitif, est aussi contemporain du premier assaut prolétarien généralisé contre la capital. Et l'époque du cinéma classique est aussi celle de la contre-révolution triomphante, y compris la réalisation du marxisme (1920-1960). Enfin l'inquiétude qui s'empare du cinéma à la fin des années 50 est contemporaine du retour de la révolution, d'abord sous forme d'inquiétude, dans toutes les sociétés modernes.
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Le cinéma doit représenter le négatif d'une manière qui fait croire que le monde peut aisément retrouver une unité calme et heureuse. Plus le cinéma est négatif, meilleur il est ; mais s'il cessait de démontrer que l'unité calme et heureuse est accessible par des moyens non dialectiques, il cesserait d'exister. C'est sa misère propre.
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Mais si le cinéma cesse d'inclure le négatif, il devient nul. La poésie cinématographique, comme toute la poésie, ne peut fonctionner que sur le double entendre, au minimum grâce à ce que les cinéphiles appellent inadéquatement des "symboles" (les "symboles phalliques", etc.) présents dans l'image et la démentant pour en constituer le sens réel en supprimant le sens apparent.
Jean-Patrick Manchette, 57 notes sur le cinéma
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