« Je ne sais pas pourquoi cela se
produit, mais depuis une trentaine d’années que je siège au Sénat, je me suis
rendu compte qu’en achetant des armes pour tuer, détruire, rayer des villes de
la surface de la terre et éliminer de grands systèmes de transport, il y a
quelque chose qui fait que les hommes ne calculent pas les dépenses aussi
soigneusement qu’ils le font lorsqu’il s’agit de penser à un logement décent et
à des soins de santé pour les êtres humains ».
Richard B.
Russell, sénateur conservateur du Sud des USA, 1960.
Dans ce texte,
glané chez Lundi matin, Maurizio Lazzarato, sociologue et italien de son état,
explique que le réarmement massif de l'Union Européenne, l'amplification de
celui des USA, constitue une stratégie pour prolonger un capitalisme financier
en crise. Les bulles spéculatives successives (internet, subprime, etc.)
l'ayant fragilisé, les oligarchies occidentales misent désormais sur une
"bulle de l'armement" reposant sur d'énormes investissements
militaires.
Pour
Lazzarato, cette orientation entraîne plusieurs conséquences : l’accaparement
de l’épargne au profit des industries de défense ; l’approfondissement des
inégalités ; le démantèlement achevé de l’État social ; le
renforcement des hiérarchies impérialistes européennes — notamment au bénéfice
de l’Allemagne ; la disciplinarisation des populations ; et la montée
des tensions internationales, la production d’armes appelant leur usage.
S’appuyant sur l'oeuvre d'une Rosa Luxemburg, Michael Kalecki, ou de Paul Baran et Paul Sweezy, notre sociologue transalpin rappelle que la guerre est
historiquement centrale dans l’accumulation capitaliste et que les élites
privilégient les dépenses militaires au
détriment des dépenses sociales, jugées émancipatrices. Il faudra le répéter : l’accumulation
repose sur la violence, la prédation et la domination étatique.
Bref, pour Maurizio Lazzarato, les coups
de clairons actuels ne répondent ni à des impératifs de sécurité (les chars
russes sur nos Champs Elysées) ni à la défense de valeurs mortes depuis
longtemps sous des tonnes de cadavres : ils servent avant tout à maintenir un
capitalisme épuisé, dépendant de la guerre, de la discipline sociale et de l’affaiblissement
du welfare pour se perpétuer.
On pourra amender ces considération avec l'excellente analyse faite par Nicolas Framont dans Frustrations, du discours de Fabien Mandon, chef d'état-major des armées, délivré le 18 novembre dernier lors du congrès de l'association des maires de France.
Enfin, pour posséder une vision tant soit peu dialectique de ce problème, on lira sur le site de Temps Critiques, une critique des articles de Maurizio Lazzarato faite par Jacques Wajnstein.