vendredi 29 juin 2018

Loupiotes estivales





   L’été est un continent d’épices brûlées
   dont les heures crépitent autour des fontaines

   son ciel tremble
   ébloui par le plus doué des anges

   libre
   je confie
   mon ombre à son échine

   et de cette cache
   - un lieu oublié des satellites -
   j’observe le soleil faire la roue
   loin d’une mer qui a perdu son nom.


Antoine Samano, Leçons de ténèbres et autres loupiotes

 

vendredi 22 juin 2018

Ce qui n'a pas de prix


On ne dira jamais assez combien la lecture des textes d’Annie Le Brun illumine les quelques moments que nous réussissons à sauver des griffes de ces temps désolants. Sa lucidité ne se dépare jamais de l’éclair surréaliste – ce qui a été vécu une fois ne s’oublie pas – qui fait des ténèbres les plus hostiles une couleur d’où peut jaillir l’espoir. 
 
Dans ce qui n’a pas de prix, Annie Le Brun nous décrit cet enlaidissement du monde que nous connaissons bien. Laideur fomentée par la collusion entre riches et artistes se réclamant du contemporain à travers un « Art des vainqueur », entreprise de neutralisation visant à installer une domination sans réplique et à camoufler la course d'un monde allant à sa perte. 
 
« De même que le régime soviétique visait à façonner les sensibilités à travers l’art réaliste socialiste, il semble que le néo-libéralisme en ait trouvé l’équivalent dans un certain art contemporain (Koons, Hirst, Kapoor et autre Cattelan, ndlr) dont toute l’énergie passe à instaurer le règne de ce que j’appellerais le réalisme globaliste. À cette différence près que, pour exercer cette emprise mondiale, nul besoin de s’en remettre à des représentations édifiantes émanant d’une idéologie précise. Car il ne s’agit plus d’imposer une conception de la vie plus qu’une autre mais essentiellement des processus ou des dispositifs en parfaite concordance avec ceux de la financiarisation du monde. Et si la terreur du totalitarisme idéologique est ici remplacée par les séductions du totalitarisme marchand, la spécificité du réalisme globaliste est de nous convier à notre propre dressage ».

Un peu de Marx avant de partir récupérer ses forces de travail


En quoi consiste l’aliénation du travail ?... Dans son travail, l’ouvrier ne s’affirme pas mais se nie ; il ne s’y sent pas à l’aise, mais malheureux ; il n’y déploie pas une libre activité physique et intellectuelle, mais mortifie son corps et ruine son esprit. En conséquence, l’ouvrier se sent auprès de soi-même seulement en dehors du travail ; dans le travail, il se sent extérieur à soi-même. Il est lui-même quand il ne travaille pas et, quand il travaille, il ne se sent pas dans son propre élément. Son travail n’est pas volontaire, mais contraint, travail forcé. Il n’est donc pas la satisfaction d’un besoin, mais seulement un moyen de satisfaire des besoins en dehors du travail ? Le caractère étranger du travail apparaît nettement dans le fait que, dès qu’il n’existe pas de contrainte physique ou autre, le travail est fui comme la peste. 
 
Karl Marx, Ecrits de jeunesse

 

vendredi 8 juin 2018

Vert (de gris)



En vérité, il n’y a pas d’action qui exprime plus hautement la liberté de l’homme que de fixer des limites à sa capacité d’agir, sous forme d’impératifs, de normes et de règles à validité universelle, et de s’y tenir. C’est par cette autolimitation que les individus deviennent des personnes autonomes entrant en communication les unes avec les autres. Penser cela, est-ce inévitablement verser dans le totalitarisme en politique ? C’est évidemment le contraire qui est vrai. Ou le débat démocratique au sujet des nouvelles menaces va porter de plus en plus sur les limites que les sociétés industrielles vont devoir s’imposer à elles-mêmes, en coordination les unes avec les autres, ou bien c’est un écofascisme terrifiant qui risque d’imposer sa loi à la planète. 

Jean-Pierre Dupuy, Pour un catastrophisme éclairé

 

mardi 5 juin 2018

La moindre chance



Le courage ? Je ne sais rien du courage. Il est à peine nécessaire à mon action. La consolation ? Je n’en ai pas encore eu besoin. L’espoir ? Je ne peux vous répondre qu’une chose : par principe, connais pas. Mon principe est : s’il existe la moindre chance, aussi infime soit-elle, de pouvoir contribuer à quelque chose en intervenant dans cette situation épouvantable, dans laquelle nous nous sommes mis, alors il faut le faire. (…) et si je suis désespéré, que voulez-vous que j’y fasse ?

Günther Anders