vendredi 30 juin 2023

Jamais surpris, toujours déçus

 
En visitant l'excellent blog de Steka : Un & Commun, nous sommes tombés sur cette citation du non moins pertinent Miguel Amoros. Les mots de l'espagnol, ces "banalités de base", comme la majorité de leur espèce, sont toujours bonnes à être rappelées.
 
Dans les régimes des partis improprement dits « démocratiques », le pouvoir politique, qui sur le papier appartient au peuple ou à la nation, est en réalité le pouvoir de l’État, organe qui le détient et l’exerce. Tout État s’appuie sur le monopole de la force et exerce son autorité en l’utilisant à sa guise. Dans la mesure où l’usage de la force – la répression – n’a pas de limites préalablement définies, le pouvoir, quand il est vraiment contesté, ne s’en donne donc aucune : l’État est autoritaire et policier. L’usage et l’abus sont indiscernables. À vrai dire, l’État réagit violemment lorsque des personnes désenchantées agissent de leur propre chef, c’est-à-dire non seulement l’ignorent, mais pis encore ne le reconnaissent pas. C’est le mal actuel de l’État : sa fragilité fait que tout acte de désobéissance est considéré comme un défi, car remettant en cause cette autorité que l’État cherche à restaurer par un usage pervers de la loi et un usage excessif et intimidant de la force. L’État n’existe qu’ainsi. 
 
Miguel Amoros
 

mercredi 7 juin 2023

L'Histoire en marche

 

Le maire de Carnac, Olivier Lepick, également président de l’association Paysages de Mégalithes, a délivré un permis de construire pour l’installation d’un magasin Mr Bricolage au sud de la Z.A. de Montauban (Carnac), détruisant ainsi une quarantaine de menhirs.

Le site du chemin de Montauban comprenait deux files de petites stèles en granite se déployant sur une cinquantaine de mètres de long. L’une était exactement dans sa place d’origine depuis 7000 ans. Ces petits alignements de menhirs accompagnaient, semble-t-il, deux tombeaux néolithiques encore inexplorés. Ces menhirs constituaient l’un des ensembles de stèles les plus anciens de la commune de Carnac : 5480-5320 avant J.-C., soit la datation la plus haute obtenue pour un menhir dans l’ouest de la France.

Ce site illustrait ainsi la structuration du territoire dès le Néolithique, une période aujourd’hui considérée par les chercheurs comme l’aube de l’Histoire, 4500 avant les Gaulois et l’Empire Romain.

Afin de documenter plus précisément cette destruction, ainsi que d'autres projet de nettoyage par le vide de ce pays là, vous trouverez ici de quoi vous renseigner.

jeudi 1 juin 2023

Tolerme : l'eau kidnappée

 


Cette année encore, alors que la sécheresse va rythmer l'été, un projet touristique aberrant va voir le jour sur les rives du lac du Tolerme, une retenue d'eau de 38 ha située dans le Ségala, un des plus beaux pays du Lot. L'entreprise Sandaya, franchise gérant des campings de luxe1 prévoit la privatisation d'un espace naturel de 16,8 ha sur la rive nord du lac.

Si l'accès public aux rives est maintenu – jusqu'à quand ? - la surface naturelle privatisée par Sandaya sera artificialisée avec l'habituelle panoplie consumériste des bases de loisirs : restaurants et bars, espace aquatique, commerces, construction de 200 bungalows et de 130 emplacements de camping. Les promoteurs de cette occupation prévoient de mirifiques retombées économiques avec la création de... 10 emplois2.


À raison d'une fréquentation prévue de 1200 personnes par jour3, on peut s'interroger sur l'impact que produira ce complexe touristique sur son environnement. Aux nuisances causées par une telle fréquentation (circulation routière, déchets, enlaidissement du paysage, etc.) s'ajouteront la pollution, l'envasement et le gaspillage de l'eau. Quand on sait qu'un touriste consomme, en moyenne, 230 litres d'eau par jour dans ce genre d'établissement, le calcul est simple : pour la seule saison estivale, un gaspillage de millions de litres d'eau est à prévoir.

Ce soucis, François Georges, directeur de Sandaya, ne semble guère le partager : avec la franchise décomplexée de celui qui sait qu'il ne trouvera guère d'opposition, celui-ci avouait, lors d'une réunion publique en août dernier, que c’est bien parce qu’il y a « de la flotte » ici que son groupe vient s'installer4. Et, d'opposition, il n'en trouvera guère puisque, à l'exception de l'association Tolerme nature, ce projet, est soutenu par la communauté de commune du Grand Figeac, et s'est vu approuvé, le 6 mars 20225, par les habitants des douze villages du Haut Ségala, à l'issue d'une consultation pour avis.

Une triste nouvelle de plus pour ce pays car les nappes phréatiques du Ségala, cette véritable fontaine à eaux du Lot, sont déjà en butte à une pollution provoquée par l'épandage de digestat, un déchet liquide produit par les cinq méthaniseurs installés non loin de là depuis quelques années. Un digestat qui s'infiltre facilement dans le mince sol lotois et contamine les captages d’eau potable, déjà régulièrement souillés par les effluents de l’agriculture intensive6.

À cette pollution il faut aujourd'hui ajouter l'assèchement, de plus en plus important chaque année, de ces nappes phréatiques. On pourrait donc s'étonner du soutien officiel que rencontre un projet qui ne s'appuie que sur le seul appât du gain si on ignorait l'aveuglement, souvent coupable, de nos élus et de celles et ceux qui les élisent. Ici, comme ailleurs, l'avidité et le déni semblent généreusement partagés.

1 Sandaya est une filiale du groupe immobilier ACAPACE fondé par François Georges et Xavier Guilbert.

2 Dossier d'information, Projet d'hôtellerie de plein air au lac du Tolerme, Syndicat mixte du lac du Tolerme, 6 mars 2022.

3 Nouvelles lettre ouverte aux élus du Lot, Assocation Tolerme nature, 10 avril 2023.

4 Idem.

5 Lot. Projet Sandaya au Lac du Tolerme : le « oui » l'emporte à 70%, Actu Lot, 7 mars 2022.

6 Méthanisation dans le Lot : le grand emmerdement, Reporterre, 5 octobre 2021.