vendredi 20 novembre 2015

Sandrine





Souterrains




Mazet se méfiait des pensées nées du souterrain, des portraits qu'il avait dressé des autres alors qu'ils erraient dans ces boyaux. Guimard était le plus douillet, certes, et il devait à cet état de s'être livré ainsi lorsqu'ils croyaient ne plus pouvoir sortir. Pour Soleimani, c'était plus franc : le petit homme avait conservé sa nonchalance jusqu'au plus profond des ténèbres ; le noir avait révélé la dureté de son cuir. Mais il refusait de ne voir en Paulet qu'une souris effrayée. C'était une mère avant tout et c'était de manquer à ses enfants qui l'avait fait trembler. Quant à lui, son absence de peur, la maîtrise dont il avait fait preuve en les guidant, n'était que le symptôme inversé de son inadaptation. Il savait qu'une fois l'électricité de leur mésaventure dissipée, reprendrait le quotidien de ses angoisses. D'une certaine façon, l'âge lui avait montré que la critique la plus fondée que l'on peut adresser à autrui dessine un fidèle portrait de soi-même.

Antoine Samano, L'emprunt Gallinet.