mercredi 7 juin 2023

L'Histoire en marche

 

Le maire de Carnac, Olivier Lepick, également président de l’association Paysages de Mégalithes, a délivré un permis de construire pour l’installation d’un magasin Mr Bricolage au sud de la Z.A. de Montauban (Carnac), détruisant ainsi une quarantaine de menhirs.

Le site du chemin de Montauban comprenait deux files de petites stèles en granite se déployant sur une cinquantaine de mètres de long. L’une était exactement dans sa place d’origine depuis 7000 ans. Ces petits alignements de menhirs accompagnaient, semble-t-il, deux tombeaux néolithiques encore inexplorés. Ces menhirs constituaient l’un des ensembles de stèles les plus anciens de la commune de Carnac : 5480-5320 avant J.-C., soit la datation la plus haute obtenue pour un menhir dans l’ouest de la France.

Ce site illustrait ainsi la structuration du territoire dès le Néolithique, une période aujourd’hui considérée par les chercheurs comme l’aube de l’Histoire, 4500 avant les Gaulois et l’Empire Romain.

Afin de documenter plus précisément cette destruction, ainsi que d'autres projet de nettoyage par le vide de ce pays là, vous trouverez ici de quoi vous renseigner.

jeudi 1 juin 2023

Tolerme : l'eau kidnappée

 


Cette année encore, alors que la sécheresse va rythmer l'été, un projet touristique aberrant va voir le jour sur les rives du lac du Tolerme, une retenue d'eau de 38 ha située dans le Ségala, un des plus beaux pays du Lot. L'entreprise Sandaya, franchise gérant des campings de luxe1 prévoit la privatisation d'un espace naturel de 16,8 ha sur la rive nord du lac.

Si l'accès public aux rives est maintenu – jusqu'à quand ? - la surface naturelle privatisée par Sandaya sera artificialisée avec l'habituelle panoplie consumériste des bases de loisirs : restaurants et bars, espace aquatique, commerces, construction de 200 bungalows et de 130 emplacements de camping. Les promoteurs de cette occupation prévoient de mirifiques retombées économiques avec la création de... 10 emplois2.


À raison d'une fréquentation prévue de 1200 personnes par jour3, on peut s'interroger sur l'impact que produira ce complexe touristique sur son environnement. Aux nuisances causées par une telle fréquentation (circulation routière, déchets, enlaidissement du paysage, etc.) s'ajouteront la pollution, l'envasement et le gaspillage de l'eau. Quand on sait qu'un touriste consomme, en moyenne, 230 litres d'eau par jour dans ce genre d'établissement, le calcul est simple : pour la seule saison estivale, un gaspillage de millions de litres d'eau est à prévoir.

Ce soucis, François Georges, directeur de Sandaya, ne semble guère le partager : avec la franchise décomplexée de celui qui sait qu'il ne trouvera guère d'opposition, celui-ci avouait, lors d'une réunion publique en août dernier, que c’est bien parce qu’il y a « de la flotte » ici que son groupe vient s'installer4. Et, d'opposition, il n'en trouvera guère puisque, à l'exception de l'association Tolerme nature, ce projet, est soutenu par la communauté de commune du Grand Figeac, et s'est vu approuvé, le 6 mars 20225, par les habitants des douze villages du Haut Ségala, à l'issue d'une consultation pour avis.

Une triste nouvelle de plus pour ce pays car les nappes phréatiques du Ségala, cette véritable fontaine à eaux du Lot, sont déjà en butte à une pollution provoquée par l'épandage de digestat, un déchet liquide produit par les cinq méthaniseurs installés non loin de là depuis quelques années. Un digestat qui s'infiltre facilement dans le mince sol lotois et contamine les captages d’eau potable, déjà régulièrement souillés par les effluents de l’agriculture intensive6.

À cette pollution il faut aujourd'hui ajouter l'assèchement, de plus en plus important chaque année, de ces nappes phréatiques. On pourrait donc s'étonner du soutien officiel que rencontre un projet qui ne s'appuie que sur le seul appât du gain si on ignorait l'aveuglement, souvent coupable, de nos élus et de celles et ceux qui les élisent. Ici, comme ailleurs, l'avidité et le déni semblent généreusement partagés.

1 Sandaya est une filiale du groupe immobilier ACAPACE fondé par François Georges et Xavier Guilbert.

2 Dossier d'information, Projet d'hôtellerie de plein air au lac du Tolerme, Syndicat mixte du lac du Tolerme, 6 mars 2022.

3 Nouvelles lettre ouverte aux élus du Lot, Assocation Tolerme nature, 10 avril 2023.

4 Idem.

5 Lot. Projet Sandaya au Lac du Tolerme : le « oui » l'emporte à 70%, Actu Lot, 7 mars 2022.

6 Méthanisation dans le Lot : le grand emmerdement, Reporterre, 5 octobre 2021.

mardi 9 mai 2023

Il faudra toujours


Il faudra toujours, sans lui demander un avis qu’il ne peut pas donner, arracher le nouveau-né à son monde, lui imposer – sous peine de psychose – le renoncement à sa toute-puissance imaginaire, la reconnaissance du désir d’autrui comme aussi légitime que le sien, lui apprendre qu’il ne peut pas faire signifier aux mots ce qu’il voudrait qu’ils signifient, le faire accéder au monde tout court, au monde social et au monde des significations comme monde de tous et de personne.
Cornelius Castoriadis, L’institution imaginaire de la société

vendredi 21 avril 2023

Le syndrome du coucou

 


Ne t'étonne donc pas que la peinture ait disparu, puisque, aux yeux de tous, dieux comme hommes, un lingot d'or paraît plus beau que tous les chefs d'oeuvre d'Apelle et de Phidias, ces pauvres grecs en délire.

                                                     Petrone Le Satiricon


La colère d’abord, puis l’indifférence, ne peuvent que s’emparer de quiconque pousse la porte d’un musée d’art contemporain. Longtemps, je n’ai pas voulu céder aux évidences : vacuité insondable, confusionnisme, ignorance, absence de talent, opportunisme mal dissimulé…les adjectifs se bousculaient dans les rares expositions où je m'égarais. Effaré, je me bornais ensuite à éviter ces lieux. Il y a quelques années, une promenade dans Montpellier me décida à mettre en ordre mes impressions. Ce que j’y découvris agit sur moi à la manière d’un fiat lux.

C’était au printemps, la robe que portait ma compagne était légère. Toute une mâtinée, nous avions marché dans les rues de la ville avant d’aborder, vers midi, la place de la Comédie, un vaste rectangle de pavés entouré de cafés. Au milieu de la place, plusieurs tâches violemment colorées attirèrent notre attention. En nous approchant, nous découvrîmes une douzaine de sculptures peintes en jaune. Tritons, nymphes, faunes : ce bestiaire, qui arborait les traits du classicisme le plus achevé, avait été recouvert d’un jaune minium particulièrement criard. Ces reproductions, car il s’agissait de moulages, avaient été exécutées à partir de la statuaire d’un château du XVIIIe siècle, sis dans les environs de Montpellier. Visiblement, cette série fluorescente avait été dispersée sur la place à l’instigation de la municipalité. Au bas de chacun des moulages, « l’artiste » avait signé son nom en majuscules.

Nous fûmes immédiatement frappés par la laideur de ces productions. Une laideur qui s’illustrait moins par leur facture – des moulages grossiers peints en fluo – que par ce qu’elle révélait de l’absence de talent de son auteur. Ces choses trahissaient l’impuissance d’un individu qui aurait été incapable de sculpter quoi que ce soit. Quant au jaune, il ne servait qu’à choquer le bourgeois, ce pont-aux-ânes de l’art contemporain et, dans un geste trahissant la crainte de son auteur de voir son insignifiance révélée, à attirer le chaland à la façon du plus vulgaire des bateleurs. Sans ce badigeon, la plupart de ceux qui traversaient la place n’aurait pas accordé un regard à ce pénible fatras.

Plus tard, assis à la terrasse d’un café, je réalisais que ces moulages réunissaient tous les stigmates des activités prétendument artistiques de notre époque : la préférence que le milieu artiste, à l’image des autres sphères de la société, accorde à la copie au détriment de l’original ; la réplication sans talent, et jusqu’à la nausée, du coup de Marcel Duchamp ; un sens certain de l’auto promotion ; des réalisations si pauvres qu’elles doivent dissimuler leur nullité en phagocytant les œuvres d’un autre, arrachant ainsi un semblant d’éclat à sa virtuosité, tout comme les coucous qui pondent leur œuf dans le nid d'autres oiseaux. Parmi mille exemples, je pensais à l’exposition que Jeff Koons avait réussi à imposer au château de Versailles en 2008 : l’habile faiseur avait noyé la vulgarité de ses productions dans le décor Grand Siècle du château. Je me souvenais de la déplaisante impression de souillure que m’avait laissé les images de ce squat institutionnalisé. J’en concluais que le véritable coucou, lui aussi, ne devait pas manquer de conchier les nids qu’il occupait.

Ma chérie me fit alors remarquer que l’art conceptuel, autre émanation maladive de cette impuissance à créer, échappait à ma définition. Je lui rétorquais qu’il nous suffisait d’aller dans n’importe qu’elle exposition de ce genre pour réaliser que cette activité obéit aux mêmes règles que celles qu’avait suivi notre artiste municipal. Face à une chaise posée là, à des gravats jetés ici, à un tas de riz accumulé là-bas, à une banane scotchée sur un mur ou à un clou planté dans une pomme, se manifeste un identique manque de talent qui oblige ces piètres recycleurs à étayer leurs réalisations avec des cartels dont le style amphigourique n’a rien à envier à celui des petits escrocs du savoir qui, à l’université comme ailleurs, dissimulent leur incapacité à penser derrière des mots abscons.

J’ajoutais que la majorité des productions artistiques contemporaines, enfants d’une époque ayant fait du retour sur investissement son credo, me faisait penser à l’alimentation industrielle. Sa composition, calculée pour harponner le palais du consommateur, nécessite des produits aussi vite avalés qu’oubliés. Médiocres, hors sol, constitués de poisons dont les effets retards ne se voient que trop sur la santé d’une partie grandissante de la population, ils contribuent à couper les derniers liens que nous avons avec la vie dans sa présence la plus élémentaire. Barquettes surgelées, tableaux ou sculptures : aujourd'hui, l'idée même d'authenticité s'étiole quand on ne sait plus quel est l'original, l'essence, la substance par rapport à laquelle la situation critiquée constitue une déchéance appelée aliénation ou inauthenticité.

Ma moitié fit mine de s’inquiéter : existe-t-il encore de nos jours un art véritable ? Je la rassurais. Des créateurs œuvrent toujours, loin des abstractions réchauffées et des productions « déconstruites ». Aujourd'hui encore, il est possible de se réjouir et de garder forme humaine auprès d'auteurs comme Arno Schmidt, Roberto Bolano mais aussi, plus près de nous, David Bosc, Ahmed Zitouni ou Emanuele Trevi. Nous illuminent également les peintures d'un Zoran Music, d'une Toyen, les sculptures de Louis de Verdale, les mélopées calcaires d'un Jean-Marie Massou, les dessins de Catherine Garrigue. Et tant d'autres...

Ces poètes ordinaires, peintres du dimanche, sculpteurs du mercredi, cultivent un art aux formes parfois traditionnelles mais attentif aux fractures de la négativité. D’autres, dans un passé plus lointain, nous ont laissé un poème, une chanson, ou une sculpture qui « représentent peut-être le véritable art subversif – ne serait-ce que parce qu’ils nous rappellent toute la richesse qualitative de l’expérience humaine précédant l’uniformisation quantitative opérée par la marchandise capitaliste, et toutes les promesses d’émancipation et de bonheur qui y étaient implicitement contenues1 ». 

Ces œuvres, qui nous aident à vivre avec un minimum de dignité, ont ceci de remarquable qu’elles ne nous transforment jamais en spectateur mais nous offrent, par la puissance d’impact de leur beauté, la force de faire face au gouffre vers lequel nous courons. Car aujourd’hui, l’art véritable ne peut plus être le simple reflet de nos vies dépossédées ; ce qui aura été dénoncé avec raison en son temps a été récupéré par le Capital pour devenir une valeur en soi, une manière d’accepter notre défaite. Semblable à une effraction, l’art véritable, lui, nous ouvre un horizon qui nous permet d’échapper à ceux qui tentent de nous convaincre qu’il n’y a pas de porte de sortie autre que la participation à la marchandisation de tout et de tous. Comme le remarque Annie Le Brun, en dévoilant leurs mensonges, l’art nous aide à lutter contre le reconfiguration de notre sensibilité et à la colonisation de nos paysages intérieurs par l’incessant bombardement d’images, de signes et de marchandises auquel nous sommes soumis2. Loin de nous réifier, il nous donne les armes d’une somptueuse dialectique de l’âme.

Certes, dit ma darling, mais lorsqu’on se pique de création, il n’est pas facile d’exister après l’impressionnisme et les révolutions formelles qui ont eu lieu entre 1910 et 1930 ; et l'obtention d'un diplôme national supérieur d’art plastique ne garantit guère le talent.

De fait, notre existence, sous le drapeau spectaculaire, a été dépouillée de tout ce qui pouvait la rendre passionnante. Les instruments de ce rapt sont connus : le salariat ; le saccage de nos lieux de vie par l'urbanisation ; la destruction des anciens savoirs et des vieilles civilités ; la réduction de la raison à un simple mécanisme d'optimisation de notre employabilité ; la fin de notre autonomie ; un quotidien qui n'est plus rythmé que par les horloges de la marchandise ; la technologie qui, dans sa marche prométhéenne, a fait de nous des singes malhabiles retranchés de la nature, des poids morts pour un système qui s'agace de plus en plus de notre fragilité. 

L'envahissement du moindre compartiment de notre vie par la logique du Capital a réduit ce qui vaut la peine d'être vécu, et donc transmis. Nos esprits s'étiolent, nos aventures, ou quel que soit le nom charitable que nous leur donnons, ressemblent à celles vantées par les dépliants publicitaires. Comme le remarquait un des plus féroces contempteur de notre temps, toutes les idées sont vides quand la grandeur ne peut plus être rencontrée dans l'existence de chaque jour. Et puis, que raconter quand le vocabulaire s'appauvrit et qu'il n'est plus apte à traduire, par exemple, les événements époustouflants d'une semaine de congés payés ? Aujourd'hui, comme la majorité des artistes et des spectateurs partagent la même pauvre vie, il est peu probable que "l'art des dernières années représente l'apparition sensible de la vérité ou au moins une expression aussi concentrée et aussi consciente de leur époque que le furent la littérature, les arts visuels et la musique des premières décennies du siècle3". La stagnation de l'art moderne correspond à la stagnation et au manque de perspectives de notre société.

Il faut vraiment être salarié d’une institution culturelle pour ne pas voir que la pratique artistique actuelle n’est plus qu’un commerce baratté par une majorité de faisans et d’habiles pompeurs de subventions. Une terre gaste où s’ébattent d’inénarrables porte-serviette de la DRAC, galeristes, communicants et élus de tout poil dont l’absence de culture personnelle permet les plus aberrantes gabegies. Absorbé par le devenir-marchandise de tout ce qui nous entoure, l’art a généré ses propres consommateurs, à l’image de ces milliardaires qui, sans autre talent que celui de la prédation, arborent la livrée risible du pigeon. Hébétés par leur avidité, ces caves, pathologiquement incapables du plus petit potlatch et donc du moindre goût, exposent dans leur dogana dépoétisées les arnaques les moins contournées de ce siècle. Spéculant sur ces néants, ces handicapés de la perte poursuivent avec une affreuse logique l’enlaidissement et la destruction de notre monde. Nous sommes loin de Jacques Doucet, couturier, collectionneur et mécène, qui sut faire oublier, un instant, l’obscénité de sa fortune en louant les services d’un André Breton pour constituer l'une des plus belles collections de ce pays. Décidément, conclut en ricanant ma très chère, même nos riches ne sont plus ce qu’ils étaient…


1 Anselm Jappe, Un complot permanent contre le monde entier, Essais sur Guy Debord, L’Echappée, 2023.

2 in Cultures mondes, mardi 12 juin 2018, France Culture.

3 Anselm Jappe, idem.

 

mercredi 12 avril 2023

Le panier de la ménagère


Selon l'ONU, les prix de l'alimentaire ont chuté de 20,5% en un an dans le monde. Au même moment, ils flambaient de 15,8% en France, selon l'Insee. Ce même Insee qui observait récemment une nette hausse des bénéfices de l’industrie agroalimentaire fin 2022...

 

mardi 28 mars 2023

Bloquer ou le devenir hubiste des luttes : dont acte

Trouvé sur le site Médiapart, la suite, en acte, de notre article du 24 mars dernier :

"A l’aube, près de Marseille, deux cents salariés bloquent une zone d’entrepôts tentaculaires. Dès 4 heures du matin, salariés, étudiants et gilets jaunes ont bloqué mardi la zone logistique de Saint-Martin-de-Crau, l’une des plus importantes d’Europe, pour protester contre la réforme des retraites."

Elena Rozanova

Franz Schubert : Erlkönig 

Transposition de Franz Liszt 


dimanche 26 mars 2023

Temps & Espace


Prisonnier d'un univers où l'espace a pris la place de la durée, l'homme du monde réifié ne peut pas comprendre l'histoire en tant qu'expression de créativité et de spontanéité. Dès lors, le fait indéniable du changement s'impose à cette "conscience de l'immédiateté" comme une catastrophe, comme un changement brusque venant de l'extérieur et excluant toute médiation.

Joseph Gabel, La fausse conscience


vendredi 24 mars 2023

Bloquer ou Le devenir hubistes des luttes

 


A tant défiler (ou courir) dans les rues ces jours-ci, on en vient à s'interroger sur l'efficacité stratégique de telles actions. Dans l'essentiel rapport de force qu'il nous faut établir avec le Capital, quelques signaux forts peuvent être ainsi envoyés, à l'image de ceux décrit par l'universitaire Gilles Paché dans un article publié dans the Conversation et repris par nombre d'autres média.

"Si la vulnérabilité du modèle des hubs n’est pas ignorée, elle reste en tout cas largement minorées. En effet, un hub est une sorte de nœud logistique vers lequel convergent des millions de produits avant d’alimenter les marchés, autrement dit la demande des consommateurs. Si une action coordonnée est conduite par quelques manifestants et syndicalistes pugnaces, qui bloquent les entrées et sorties du hub, le risque d'asphyxie de la chaîne logistique devient maximal. 

Imaginons en outre un instant que les hubs se regroupent sur un même lieu, par exemple pour bénéficier de facilités d’accès à des infrastructures routières ou ferroviaires, mais aussi de la mise en commun de services aux professionnels. Là aussi, il suffit de s’intéresser au secteur de la logistique pour découvrir qu’il s’agit d’une réalité courante : celle des « centres de fret » et autres « zones logistiques », dont un exemple remarquable est fourni par la zone logistique de Saint-Martin de Crau, dans les Bouches-du-Rhône, au bord de l’autoroute qui relie Marseille à l’Espagne et à l’Europe du Nord. Dans ce cas, quelques dizaines de grévistes bien placés sur le site bloqueront sans difficulté… une vingtaine de hubs d’entreprises à la fois, voire plus.

On parle souvent de la fragilité de la chaîne logistique de l’automobile, apparue au grand jour pendant la crise du COVID lorsque des approvisionnements en matières et composants ont été interrompus. Pourtant, c’est au niveau de la distribution alimentaire que la vulnérabilité des hubs pourrait avoir les effets les plus importants. En effet, les magasins et drives alimentaires fonctionnent selon une logique de stock zéro, notamment pour améliorer leur performance financière. C’est par conséquent un approvisionnement journalier par un hub (entrepôt ou plate-forme) qui a été mis en place, et il suffit que le hub soit bloqué pour qu’en l’espace de quelques jours, les rayons soient totalement dégarnis, avec les comportements hystériques de certains consommateurs que nous avons connus en 2020.

Un célèbre distributeur alimentaire a connu une telle mésaventure il y a quelques décennies de cela. Un conflit du travail d’une rare intensité a conduit au blocage de l’un de ses hubs, pendant près d’une année, par une trentaine de syndicalistes. Ces militants ont ainsi obligé le distributeur à faire livrer ses magasins du Sud-Est de la France à partir d’un hub déporté, localisé à plusieurs centaines de kilomètres de là. Résultat : une explosion des coûts de livraison qui a entraîné une augmentation des prix de vente des produits et la défection d’une partie importante de la clientèle des magasins. Autrement dit, une trentaine de personnes ont « mis à genoux » l’un des plus puissants distributeurs français, sachant qu’il est loin d’être le seul à avoir connu une telle mésaventure."



 

lundi 13 mars 2023

Grimaces simiesques

 


L’ami Jacques Luzi, non content d’avoir coordonné le dernier numéro d’Ecologie & Politique « Les enfants de la machine » qui traite des biotechnologies, de la reproduction et de l’eugénisme, répond aux questions des collègues du Comptoir sur ces sujets et sur les oppositions, plus ou moins bien intentionnées, que suscite leur critique. 

A la suite de cet entretien, on pourra préciser la teneur de cette dispute en se rendant sur le site des camarades de Pièces & Main d’Oeuvre pour y lire les hilarantes lettres d’un singe du futur, et néanmoins professeur, à son collègue, le consternant professeur Flapi.