vendredi 27 mars 2020

Une découverte



On pourrait en rire s'il n'y avait des morts : cette découverte, par beaucoup, de l'action délétère du capitalisme. Comme si l'irruption de ce virus sur la scène de notre confort avait décillé des millions de yeux fermés, hier encore, par un déni aux proportions aussi colossales que les procédés de décervelage qui ont court depuis bientôt cinquante ans. Vu d'ici, le Spectacle aura donc accouché d'un rejeton terrible qui laisse crus et nus ceux qui ont voulu croire à ses mirages.

Cet effarement s'exprime par réseaux sociaux interposés : on villipende l'incurie et le cynisme criminel des gouvernants avec des yeux qu'agrandissent aussi bien la colère que la surprise. On découvre que ces tristes criminels n'ont cessé de "mettre aux fictions profitables un masque de nécessité". On apprend que ce virus, loin d'être une punition divine, est le produit de notre expansion forcenée et des développements de l'agrobusiness. Un journaliste, qui avait tant oeuvré pour être en cour, s'oublie. La peur aidant, il fiente un "connard" à destination d'un gouvernement, hier si révéré, dans un article qui n'ose pas encore (cela viendra) être autrement que contourné. Ce qui, depuis des années, était l'évidence pour qui faisait preuve d'un minimum d'esprit critique, apparaît aujourd'hui au plus grand nombre dans une mortelle clarté. Le capitalisme détruit. Quelle découverte. On en parlera au reste de la planète.

Etrillés par la peur, ces nouveaux coléreux font appel à l'Etat et à la science, qui ont su, chacun le constate aujourd'hui, si bien nous enférer dans ce cloaque. D'autres, sans doute moins nombreux, réalisent in vivo ce qu'un marxisme un peu conséquent, ou un habitant d'un de ces pays dont les sous sols regorgent de ressources, sait : que l'Etat s'est fait depuis fort longtemps l'allié objectif du Capital et qu'il compte pour rien le prix de la vie humaine.

Alors ? Alors, il y a des scandales. Il y en aura d'autres. La colère monte autant que la peur. Quelle forme cela prendra t-il à la décrue de l'épidémie ? Cette colère, ces constatations, cette nudité aux formes obscènes que le virus à révélé des dirigeants, resteront elles dans les esprits ? En seront-ils fécondés ? Ou bien, les pénuries et "l'état de nécessité", déjà si fortement annoncés, qui vont s'accumuler pousseront ils à accepter ou réclamer de nouvelles formes d'asservissement, pour sauver ce qui peut l'être de la survie garantie ? C'est à craindre.

Quoi qu'il en soit, ne nous y trompons pas : l'extinction finale vers laquelle nous entraîne la perpétuation de la société industrielle constitue notre avenir. Cette épidémie n'en est qu'un des actes, pas forcément majeur – pour nous en convaincre, demandons, avec pudeur, ce que pensent de notre grippe et de notre confinement les populations africaines confrontées à Ebola et au SIDA depuis des années. On ne peut dire les choses autrement : nous y sommes. Au pied d'un mur que nous avons construit, ou laissé construire. La fameuse "sortie de crise", toute temporaire, pas d'illusion, nous placera, pour une fois, devant une alternative assez simple : continuer comme avant, en attendant la suite (que l'on sait maintenant assez massacrante), ou mettre à bas ce qui nous tue, littéralement. By any means necessary.


mercredi 25 mars 2020

L'épidémie de l'agro-business



Sur le site Et vous n'avez encore rien vu, où semble officier le camarade Bertrand Louart, on lira l'interview du biologiste Rob Wallace, sur la responsabilité du capitalisme, et plus précisément de l'agro-business, dans la catastrophe présente.

Bon courage à toutes et à tous.


lundi 16 mars 2020

Le dernier rejeton du capitalisme



Sur les origines du virus couronné, on pourra lire avec profit cet article repris par les camarades de Lundi matin sur le blog Chuangcn et traduit par ceux Des nouvelles du front.

Nous vous livrons ici un extrait de cet article aussi complet que roboratif.

 "Le virus à l’origine de l’épidémie actuelle (SRAS-CoV-2), comme son prédécesseur de 2003, la grippe aviaire et la grippe porcine avant lui, a germé au carrefour de l’économie et de l’épidémiologie. Ce n’est pas une coïncidence si tant de ces virus ont pris le nom d’animaux : La propagation de nouvelles maladies à la population humaine est presque toujours le produit de ce que l’on appelle le transfert zoonotique, qui est une façon technique de dire que ces infections passent des animaux aux humains. Ce saut d’une espèce à l’autre est conditionné par des éléments tels que la proximité et la régularité des contacts, qui construisent tous l’environnement dans lequel la maladie est forcée d’évoluer. Lorsque cette interface entre l’homme et l’animal change, elle modifie également les conditions dans lesquelles ces maladies évoluent. Sous les quatre fours*, se trouve donc un four plus fondamental qui sous-tend les centres industriels du monde : la cocotte-minute évolutive de l’agriculture et de l’urbanisation capitalistes. Il s’agit du milieu idéal par lequel des fléaux toujours plus dévastateurs naissent, se transforment, font des bonds zoonotiques, puis sont véhiculés de manière agressive dans la population humaine. À cela s’ajoutent des processus tout aussi intensifs qui se produisent en marge de l’économie, où des souches “sauvages” sont rencontrées par des personnes poussées à des incursions agro-économiques toujours plus étendues dans les écosystèmes locaux. Le coronavirus le plus récent, dans ses origines “sauvages” et sa propagation soudaine à travers un noyau fortement industrialisé et urbanisé de l’économie mondiale, représente les deux dimensions de notre nouvelle ère de fléaux politico-économiques".

* Nom familier donné à la ville chinoise de Wuhan

jeudi 5 mars 2020

PPP



Testimone e partecipe di questa
bassezza e miseria, ritorno
lungo la corallina spalletta,
contratto nel batticuore – supino
nella seta di sapere, nell'ansia di capire,
che non ha, nella vita, mai fine
anche se la vita, pur febbrile,
è recidiva monotonia, vizio
del ricadere et del cieco risentire...

Témoin et complice de cette
bassesse et misère, je retourne le long du remblai couleur de coraux,
le coeur battant et serré – abattu,
dans ma soif de savoir, dans mon angoisse de comprendre,
qui n'a, dans ma vie, pas de fin,
même si la vie, dans sa ferveur,
est une monotonie recommencée, la manie
de la rechute et de l'aveugle besoin de ressentir...


Continuation de la soirée à San Michele


mardi 3 mars 2020

La grande bellezza




La grande beauté est de faire venir, imprévues, fragiles mais vivaces, comme les herbes qui poussent entre les pavés, les questions que la plupart, sans s’en rendre compte, foulent du pied, tout simplement en avançant. 

Annie Le Brun


dimanche 1 mars 2020

Τὰ Καίσαρος ἀπόδοτε Καίσαρι καὶ τὰ τοῦ θεοῦ τῷ θεῷ.


Hormis sa King Kong théorie, que nous avions trouvé stimulante, nous n'avons pas lu les productions de Virginie Despentes. Néanmoins, nous avons trouvé intéressant le point de vue développé dans sa tribune publiée dans le Libération du 1er mars dernier.

"Je vais commencer comme ça : soyez rassurés, les puissants, les boss, les chefs, les gros bonnets : ça fait mal. On a beau le savoir, on a beau vous connaître, on a beau l’avoir pris des dizaines de fois votre gros pouvoir en travers de la gueule, ça fait toujours aussi mal. Tout ce week-end à vous écouter geindre et chialer, vous plaindre de ce qu’on vous oblige à passer vos lois à coups de 49.3 et qu’on ne vous laisse pas célébrer Polanski tranquilles et que ça vous gâche la fête mais derrière vos jérémiades, ne vous en faites pas : on vous entend jouir de ce que vous êtes les vrais patrons, les gros caïds, et le message passe cinq sur cinq : cette notion de consentement, vous ne comptez pas la laisser passer. Où serait le fun d’appartenir au clan des puissants s’il fallait tenir compte du consentement des dominés ? Et je ne suis certainement pas la seule à avoir envie de chialer de rage et d’impuissance depuis votre belle démonstration de force, certainement pas la seule à me sentir salie par le spectacle de votre orgie d’impunité.
 
Il n’y a rien de surprenant à ce que l’académie des césars élise Roman Polanski meilleur réalisateur de l’année 2020. C’est grotesque, c’est insultant, c’est ignoble, mais ce n’est pas surprenant. Quand tu confies un budget de plus de 25 millions à un mec pour faire un téléfilm, le message est dans le budget. Si la lutte contre la montée de l’antisémitisme intéressait le cinéma français, ça se verrait. Par contre, la voix des opprimés qui prennent en charge le récit de leur calvaire, on a compris que ça vous soûlait. Alors quand vous avez entendu parler de cette subtile comparaison entre la problématique d’un cinéaste chahuté par une centaine de féministes devant trois salles de cinéma et Dreyfus, victime de l’antisémitisme français de la fin du siècle dernier, vous avez sauté sur l’occasion. Vingt-cinq millions pour ce parallèle. Superbe. On applaudit les investisseurs, puisque pour rassembler un tel budget il a fallu que tout le monde joue le jeu : Gaumont Distribution, les crédits d’impôts, France 2, France 3, OCS, Canal +, la RAI… la main à la poche, et généreux, pour une fois. Vous serrez les rangs, vous défendez l’un des vôtres. Les plus puissants entendent défendre leurs prérogatives : ça fait partie de votre élégance, le viol est même ce qui fonde votre style. La loi vous couvre, les tribunaux sont votre domaine, les médias vous appartiennent. Et c’est exactement à cela que ça sert, la puissance de vos grosses fortunes : avoir le contrôle des corps déclarés subalternes. Les corps qui se taisent, qui ne racontent pas l’histoire de leur point de vue. Le temps est venu pour les plus riches de faire passer ce beau message : le respect qu’on leur doit s’étendra désormais jusqu’à leurs bites tachées du sang et de la merde des enfants qu’ils violent. Que ça soit à l’Assemblée nationale ou dans la culture - marre de se cacher, de simuler la gêne. Vous exigez le respect entier et constant. Ça vaut pour le viol, ça vaut pour les exactions de votre police, ça vaut pour les césars, ça vaut pour votre réforme des retraites. C’est votre politique : exiger le silence des victimes. Ça fait partie du territoire, et s’il faut nous transmettre le message par la terreur vous ne voyez pas où est le problème. Votre jouissance morbide, avant tout. Et vous ne tolérez autour de vous que les valets les plus dociles. Il n’y a rien de surprenant à ce que vous ayez couronné Polanski : c’est toujours l’argent qu’on célèbre, dans ces cérémonies, le cinéma on s’en fout. Le public on s’en fout. C’est votre propre puissance de frappe monétaire que vous venez aduler. C’est le gros budget que vous lui avez octroyé en signe de soutien que vous saluez - à travers lui c’est votre puissance qu’on doit respecter."