On
pourra se procurer, à partir du 17 mai, le livre de Baudouin de
Bodinat : En attendant la fin du monde.
Agrémenté de onze
photographies de l’auteur, cet ouvrage revient sur
ce que l’on constate, ces pôles qui fondent et ces vents d’une
violence inconnue, cette vie dont le nombre des espèces si
rapidement s’amenuise, ces foules sans horizon et sans
boussole, ces eaux qui montent, ces contaminations, ces embrasements
inquiétants un peu partout. Il y a également ce qu’on peut lire,
lorsque 15 000 scientifiques de toutes disciplines s’alarment et
lancent ensemble un rappel de ce qu’il n’y en a plus pour
longtemps à continuer à ce train, et que passé un certain seuil il
sera trop tard. (Comme si le seuil n’était pas déjà loin
derrière nous.)
Et puis tout continue comme si de rien n’était : l’existence confortable administrée et sous vidéosurveillance, l’abreuvement continu au flux des divertissements dispensés par les fermes de serveurs et à celui des idioties récréatives du réseau, l’épanouissement béat de la mondialisation heureuse, son indifférence à tout ce qui n’est pas son propre miroir, la conviction qu’elle entraîne de sa perfection, de son progrès inévitable, de ses roues bien huilées.
C’est cette inertie, ce déni de réalité, ce défaut majeur d’attention, cette indignité morale aussi, qu’examine ce livre, comme si l’humanité suivait un cours écrit ailleurs, ayant manqué le signal des quelques bifurcations qu’il lui aurait été loisible d’emprunter.
Non sans préserver les traces,
photographiques ou pensives, de ce qui nous fut laissé en legs,
parmi les ruelles à peu près désertes d’un vieux bourg de
province où subsistent, entre les pavés disjoints, quelques unes de
ces herbes que l’on dit folles - sans doute parce qu’elles
n’avaient pas été prévues dans les calculs.
« & il peut venir alors à
la pensée que si l’on prenait en axiome, ou en loi divine, loi de
l’univers, cet avis que Baudelaire laissa pour qui voudrait s’en
instruire : victimes des inexorables lois morales, nous périrons
par où nous avons crû vivre, il ne serait pas difficile d’obtenir
la notification de par où précisément nous périrons, pour
commencer et à défaut d’une date précise. »