lundi 23 avril 2018

Désert & ambitions


Mais tandis que se dévoyaient ces foules soumises aux normes d'une éthique barbare, ici, à Dofa, la pauvreté du pays avait laissé la vie s'écouler paresseusement et le peuple se consacrer sans efforts dégradants à des occupations bénéfiques, telles la pêche, les cultures maraîchères, un artisanat façonné dans l'indolence et la dignité ; il avait surtout marqué sa résistance aux modes décadentes, en continuant à s'exprimer dans un langage humain. C'était ce langage humain qui enchantait Samantar ; ce langage auquel s'était substitué partout dans le monde un idiome bâtard - ramassé dans les poubelles du commerce et de la publicité - qui ne concernait plus l'homme et d'où toute notion d'émotion et de sentiment était exclue.

Albert Cossery, Une ambition dans le désert



Afin de prolonger les salutaires effets de ces considérations ou, plus simplement, de découvrir l'oeuvre dont elles sont issues, on lira Le désert des ambitions avec Albert Cossery de Rodolphe Christin. Ce petit livre, publié chez L'Echappée, constitue une bonne introduction au génial indolent de la rue de Buci.

mercredi 18 avril 2018

Le sens des limites

 

On lira avec profit cet entretien du philosophe Renaud Garcia, auteur de Le sens des limites : l'abstraction capitaliste, et dont nous partageons bien des vues sur la chienlit présente. Pour la bonne bouche - et afin d'y goûter -, un extrait de ses propos :

 

Votre livre s’attaque plus à l’aliénation capitaliste qu’à l’exploitation et à la domination. Vous entendez combattre « trois grands rapports d’étrangeté au monde, aux autres et à soi-même, tels que Marx les envisage dans les Manuscrits de 1844 lorsqu’il évoque la réduction de la vie individuelle à une abstraction sous l’effet du travail aliéné. » Pourquoi ce choix ?

 

Il faut tout de suite préciser qu’il serait oiseux, voire inconséquent, de passer sous silence la question de l’exploitation, sous prétexte d’une analyse des changements dans la constitution du système capitaliste. J’y consacre d’ailleurs une section spécifique de l’ouvrage, tout comme aux formes de domination d’ailleurs (sur les thèmes du virilisme et du sexisme, liés à la centralité du travail abstrait). De toute manière, comment comprendre quelque chose au capitalisme, en tant qu’organisation faite pour extraire de la survaleur, sans parler d’exploitation ?

Cela étant posé, je prolonge et systématise dans ce livre l’idée directrice du Désert de la critique, qui visait à reprendre pied sur une théorie critique de l’aliénation, en restituant sa portée à une notion de nature humaine plus souple, moins massive, comprise sous l’angle de la vie humiliée ou falsifiée. J’admets tout à fait les critiques que l’on peut adresser à l’idée d’aliénation, notamment en raison d’un certain flou sémantique. Aussi, je m’efforce de retravailler la notion en prenant toujours comme point d’appui le monde de la vie et les habiletés ordinaires (“vernaculaires”, dirait Ivan Illich) que l’on y développe : aimer, dialoguer, habiter, manger, cuisiner, jouer, se soigner, etc. 

Dans ces conditions, l’aliénation se présente comme une forme intégrale de dépossession de la subjectivité vivante, qui intervient lorsque les différents « savoirs de la vie » (M. Henry) cités ci-dessus se trouvent transférés sur un plan abstrait, où seule compte la logique d’accumulation de la valeur en fonction de procédures techniques normées. En ce sens, l’aliénation désigne bien un phénomène central sous le règne de l’abstraction capitaliste : elle advient par exemple lorsque la subjectivité sensible apprend à réifier ses émotions pour correspondre au profil exigé par un site de rencontres, lorsque le mangeur quotidien se trouve sommé de comptabiliser ses apports nutritionnels, lorsque l’individu adapté à la norme de la santé parfaite réduit en algorithmes ses dernières performances sportives, et bien entendu lorsque chaque travailleur se voit englué dans la contrainte du temps et le remplissement d’objectifs chiffrés détachés de tout sens concevable.

À partir de cette redéfinition, où je croise notamment les contributions de Michel Henry (dans sa relecture controversée de Marx) et du courant de la critique de la valeur (Wertkritic), s’explique le choix thématique de l’ouvrage. Il est orienté par la volonté de mener, autant que faire se peut, une critique centrale et non sectorielle du capitalisme. C’est, par ailleurs, essentiellement pour les besoins de l’exposé (avec également un clin d’œil philosophique au mouvement de “mise en suspens” du monde effectué dans le processus de “réduction phénoménologique”, censé recentrer l’analyse sur le vécu intime de la conscience) que j’étudie successivement les conséquences (et les résistances à lui opposer) de l’abstraction capitaliste sur le monde, les autres et enfin nous-mêmes. Mais dans les faits, bien entendu, par cela même que nous sommes au monde avec les autres, tout cela se rejoint.



jeudi 12 avril 2018

Zone à détruire



« Des lacrymos lancées depuis les hélicoptères. ou tirées sans discernement des grenades de tout types sans vraiment savoir ou elles allaient tomber, faisant au moins 80 blessés, dont plusieurs graves, avec des tendons sectionnés et des blessures au visage ». 

Ainsi était décrite, hier, par un témoin présent à Notre Dame des Landes, l’opération d’évacuation-destruction menée par l’État. Un témoignage, parmi bien d’autres, qui concordait avec les comptes rendus du Monde et de Libération, pour une fois à peu près honnêtes. 

Comme l’écrivait fort justement un camarade, « les attaque aux véhicules blindés et à la pelle mécanique démontrent une volonté flagrante de détruire. L'Etat ne peut pas accepter cette défaite cuisante [l’échec du projet d’aéroport] sans vouloir prendre sa revanche. Pour lui, il ne s'agit pas simplement de vaincre militairement, mais aussi d'empêcher la constitution d'une communauté humaine autonome. Les zadistes, expulsables et non expulsables, avaient proposé un projet commun, quand l'Etat exigeait des projets individuels. Bon vieux principe : diviser pour régner... ».


mardi 10 avril 2018

Une guerre civile mondiale



Comme l’écrivent les gens de Reporterre dans leur article, « l’offensive du gouvernement contre la Zad vise à détruire la possibilité de vies alternatives. Et s’inscrit dans une tendance mondiale des classes dirigeantes néo-libérales à imposer un pouvoir fort ». 


jeudi 5 avril 2018

En attendant la fin du monde





L'un des plus lucides contempteurs de ce monde, Baudouin de Bodinat, publiera, aux environs du 17 mai, son livre : En attendant la fin du monde

À cette occasion, le festival Raccord(s) et les éditions Fario organisent une lecture à plusieurs voix de Au fond de la couche gazeuse, sous le kiosque du jardin du Luxembourg (entrée bd. Saint-Michel), le dimanche 8 avril 2018, de 14 à 17 h.


mardi 3 avril 2018

Que faire ? (bis)


Le site Lundi matin livre une analyse tactique de la situation des grèves et des luttes. Il propose aussi "quelques idées pour les temps qui viennent".