mercredi 9 septembre 2015

Le progrès dans son ensemble

Si chaque avancée technologique considérée séparément semble désirable, le progrès technologique dans son ensemble restreint continuellement notre liberté. 

Theodor Kaczynski, La société industrielle et son avenir.

L'écorce

Pour nous, êtres du commun, seuls l’approche de la mort, le combat contre l’ordre des choses, l’amour, offrent la possibilité de crever le miroir. Si on accepte leurs règles, qui d’ailleurs se résument à peu de choses : laisser l’incendie de notre confort progresser jusqu’à l’écorce, il nous est possible d’accéder au plus furieux accomplissement de l’être.

L'art de réduire les têtes

 
 
Nous nous retrouvons dans un espace ni « autonomique », ni critique, ni même névrotique, mais dans un espace anomique sans repère et sans limite où tout s’inverse, c’est-à-dire un espace où tous les individus ne deviennent pas nécessairement psychotique, mais où les sollicitations pour le devenir abondent.  

Dany-Robert Dufour, L’Art de réduire les têtes.
 
 
 

Julien Coupat

Nous vivons dans un monde qui va dans le mur à tombeau ouvert, et qui le sait. Les faits l’attestent tout autant que la production hollywoodienne. Ceux qui tiennent les rênes de la machine préfèrent qu’il en soit ainsi plutôt que de renoncer à la moindre miette de leur pouvoir. Ils s’attachent simplement à distiller dans la population le sommeil nécessaire, quitte à le peupler de cauchemars terroristes.


Entretien avec le Nouvel Observateur - 11.05.2015

Joie pure rue Saint-Laurent



Cette course
vers la petite squaw
le sang rieur
qui saboulait
mes veines.

L'escadre de schiste


Nous avons posé nos sacs là où la fraîcheur peine à quitter les arbres. Sur la place couronnée de hêtres, une église régente encore le temps. Au loin, un pommier frissonne dans la brise.

A midi, le soleil est une lente badine qui nous pousse vers le torrent. Ici, tout se fond en un remous cuivré. Chaque branche se balance comme un salut et les fougères sont attentives à nos fatigues. Tu es assises sur un rocher près de la cascade. Les fées s'arc-boutent aux écorces et les vieilles civilités s'épanouissent dans les coins les plus inattendus du présent.

Cette nuit, le vent a balayé les étoiles. Pieds nus, j'écoute un chien aboyer : sa voix dresse les pourtours de la ferme. Sous ce ciel, je ne désespère plus des forces que nous glanons dans les chemins creux.

De la fenêtre, je devine Pech Merle. André Breton y manqua l'homme des collines. Que de chemins seraient nés près de celui qui gagna la rivière, une poignée de ténèbres serrée contre lui. Entre l'indésirable et le chasseur, mille rêves auraient été semés.

Je regagne notre chambre. Trirème, rafiot, radeau, qu'importe... Je m'allonge contre toi et notre escadre mouille déjà dans les eaux du Tolerme, ses coques calfatées aux lichens du Pont-Neuf. Dans notre cambuse, je consulte les portulans, le compas pointé vers l'orage : aux grandes eaux, Utopie échappe à ceux qui en oublient les contours.

Voilà l'aube et les collines, je t'ai laissé dormir. Au-dessus de moi, un milan survole les prés puis, piquant soudain, m'effleure les tempes dans un parfum de plumes tièdes.

Au loin, les volcans n'annoncent que le beau temps. Nous ne pouvons plus vivre du seul refus : l'archipel d'abysses qui s'ouvre sous nos quilles nous pousse vers d'anciens territoires. Il nous faudra bien les aborder ces contrées où naissent le dévouement.

Ce soir, nous quittons le village pour nous offrir le ciel. Étayée par la douceur de l'air, ta nuque repose sur mon épaule. Je suis heureux de trier satellites et étoiles avec toi. Dans l'écume de notre sillage, l'odeur de ta peau se mêle aux scintillements.

Notre escadre va à la découverte et fera signal de terre bien avant que nos rêves n'aient été coulés. Nous allons vent arrière et, au roulis près, c'est un plaisir d'aller comme nous allons.