jeudi 20 septembre 2018

Lire (ou relire) Bernanos


Si nous pensions que ce système est capable de se réformer, qu’il peut rompre de lui-même le cours de sa fatale évolution vers la Dictature – la Dictature de l’argent, de la race, de la classe ou de la Nation – nous nous refuserions certainement à courir le risque d’une explosion capable de détruire des choses précieuses qui ne se reconstruirons qu’avec beaucoup de temps, de persévérance, de désintéressement et d’amour. Mais le système ne changera pas le cours de son évolution, pour la bonne raison qu’il n’évolue déjà plus ; il s’organise seulement en vue de durer encore un moment, de survivre. Loin de prétendre résoudre ses propres contradictions, d’ailleurs probablement insolubles, il paraît disposer à les imposer par la force, grâce à une réglementation chaque jour plus minutieuse et plus stricte des activités particulières, faite au nom d’une espèce de socialisme d’État, forme démocratique de la dictature.

Georges Bernanos, La France contre les robots, 1945.


lundi 17 septembre 2018

Musidora




A la recherche du secret perdu du cinéma, on croisera, dans Les Vampires, sa première et inoubliable muse.




jeudi 13 septembre 2018

Avec cette façon de faire, tous ceux qui ne jouent pas le jeu sont éliminés

Éleveur et maraîcher, ancien animateur de la Confédération paysanne, Yannick Ogor retrace, dans cette intervention, la fin du monde paysan achevée par les normes imposées par les politiques agricoles. Il décrypte les lieux de pouvoir et les mensonges qui fondent l'alimentation de la population et dénonce l'assujettissement des agriculteurs, fussent-ils « bio », à la logique industrielle. Il explique aussi ce désastre de façon détaillée dans son livre Le paysan impossible.

 

mardi 11 septembre 2018

Avancer




à Franz

On se déplaçait sans savoir où cela nous mènerait. Le voyage valait autant que son but : quitter un endroit pour en rejoindre un autre ; un endroit que l'on avait, d'ailleurs, le plus grand mal à distinguer de l'horizon. Parfois, le mot d'horizon était bien précis pour décrire la mélasse dans laquelle nous avancions.
Pour ma part, j'avais abandonné les cartes pour ne me fier qu'aux récits des voyageurs. Même s'ils décrivaient un paysage disparu, ils me livraient son âme et, par là-même, la possibilité de suivre mon propre chemin. Nul compagnon de voyage avec moi, à peine quelques auberges, ça et là, où une hôtesse plus ou moins bien disposée me tendait une tasse pour étancher ma soif.
J'ai vieilli sur ces sentiers en glanant le peu de sagesse que m'offraient les rencontres, silhouettes qui éboulaient les cailloux quand elle s'éloignaient. 
Aujourd'hui, je marche toujours – que faire d'autre ? – même si je suis plus sensible aux déclivités du terrain. Les arbres sont devenus des présences et je m'arrête de plus en plus souvent près des lacs pour capter les échos de ceux qui s'y sont baignés.
Je ne suis plus capable de mesurer le chemin parcouru. Aux grincements de mes genoux, à mon dos douloureux, je devine que je suis loin de la cabane que j'ai quitté dans ma jeunesse. 
Les voyageurs que je croise – nous prenons un thé pour échanger des nouvelles de la route – ne peuvent m'en dire plus. Eux-mêmes, lorsque je regarde leur visage à la lueur du feu, me semblent un peu hagards. Sans doute faut-il y voir l'effet de la fatigue et de la poussière qui nous font comme un masque à la fin de la journée.
Les femmes que j'ai rencontrées ne songeaient guère à s'attarder. La plupart du temps, nous cachions nos affaires derrière un rocher avant d'aller nous allonger sous un buisson. Je garde le souvenir de peaux poivrées, de morsures, de quelques mots échangés dans la timidité de l'aube. Une ou deux avaient un regard de louve. Je ne les ai jamais revues.
L'orage me surprenait rarement. Je veillais à surveiller le ciel car, ici, il n'y a rien de plus pernicieux que de se laisser bercer par ses pieds.
Parfois, un chien me rejoignait. Il s'agissait le plus souvent d'un corniaud au regard vif qui frottait ses flancs contre mes jambes. J'aimais sa compagnie, sa façon d'errer devant moi sans jamais se perdre. La nuit, à mes côtés, il lui arrivait de redresser la tête pour scruter les ténèbres avant d'entamer un dialogue silencieux avec quelque chose que je ne voyais pas. Il disparaissait au bout de quelques jours aussi rapidement qu'il était apparu et, pendant un moment, je sentais encore sa présence à mes côtés.



dimanche 9 septembre 2018

Quelques lueurs en septembre





On dirait une sorte de lumière qui n'a pas besoin de détruire l'ombre pour se faire comprendre.

Angelo, Jean Giono