vendredi 28 mai 2021

Toujours vivante



Ce n'est pas tous les jours qu'on peut se réjouir. Ce 22 mai dernier, l'épatante Chorale des Pétroleuse entrait dans la très laide et infâme basilique du Sacré Coeur pour y chanter Les Canuts, La Danse des bombes et La Semaine sanglante.

Que cent cinquante ans après ces beaux chants résonnent sous la voûte de cet étron urbain a tout pour requinquer. Puisse ce genre d'initiatives se multiplier dans les lieux les plus marqués par le sceau de l'Infâme. Et bravo à nos fières pétroleuses !


mardi 25 mai 2021

La vie sacrifiée

                                               Méthaniseur de Gramat (Lot)


À partir d’un certain degré d’inhumanité, dont nous sommes assez proches, rien ne pourra plus arriver qui concerne l’homme. Le non-homme qui pourrait, peut-être, résister à ces excès d’inhumain n’intéresse pas l’homme que nous sommes encore.

Guido Cérénoti

 

vendredi 21 mai 2021

Blues

 


Je porte une croix pour ce monde. Je le dis sincèrement. Et j’ajoute que c’est vrai pour tous les artistes authentiques. Qu’ils soient peintres ou écrivains. Certains parviennent à vivre assez longtemps mais beaucoup disparaissent très vite parce qu’ils en savent trop, qu’ils ont vu trop bien, qu’ils ont entendu trop clairement. Je pense qu’au fond d’eux-mêmes, ils ne veulent plus être ici. Jimi Hendrix, Charlie Parker appartiennent à cette catégorie. Vous ne pouvez imaginer ce qu’il faut de force mentale pour affronter le monde extérieur. C’est pour cela qu’ils finissent par se détruire, parce qu’ils en savent trop, et ils ne voient aucun espoir. Le monde, tel que les gouvernements et le système l’ont voulu, est devenu une prison mentale. Nous vivons un enfermement chaque jour. Enfants, nous grandissons avec un ensemble de restrictions qui tendent à nous diminuer et nous ne perdons jamais ces entraves quand nous devenons adultes. Nous demeurons entravés. On nous dit ce qu’il faut faire et ne pas faire et nous obéissons. Et c’est quelque chose de très douloureux pour un homme qui aime la liberté par-dessus tout, qui aspire à la vraie liberté. La vraie liberté.

Marvin Gaye

 

Cette citation du sweet Marvin sert d'introduction à une analyse émue, et parfois émouvante, de Pierre Tevanian sur les vies et les oeuvres de Marvin Gaye et de John Lennon. 


mardi 11 mai 2021

Dame !


Pourquoi lire Elfriede Jelinek dont la prose corrosive ne laisse rien surnager, hormis quelques débris hébétés, de nos envies de  bonheur ? Comment faire confiance à une femme qui déclare qu'elle ne peut concevoir les relations sexuelles - dans le sens large du terme - entre hommes et femmes autrement qu'à l'image du système hégélien de maître à serviteur. "Et cette répartition des pouvoirs, insiste t-elle, s'est installée jusque dans les relations privées entre individus. C'est souvent de cette manière que je les ai décrites, à la grande joie de mes concitoyens. Ça m'a naturellement rendue, vous l'imaginez, très populaire...". L'époque ne suffit elle donc pas à charrier son lot d'abominations, de culs de sac en enfilade, d'horizons définitivement occultés par le règne délétère du retour sur investissement ?

A quoi bon lire Lust, Avidité, Les enfants des morts ou  La pianiste ? S'infliger ainsi les récits d'êtres détruits autant que destructeurs, le filage minutieux des petites et grandes saloperies de nos sociétés bourgeoises ? Pourquoi ne pas se détendre avec les produits calibrés que nous offre, chaque mois, les businessmen de l'édition ou visionner, le devoir salarial accompli, un bon feelgood movie ? Pourquoi réduire le peu de réserve d'optimisme que nous abandonne ce monde en lisant ce démontage pierre à pierre de toutes nos illusions ? Serions-nous masochistes ? Voire.

Contre toute attente, ce froid jeu de massacre se révèle un creuset d'humour et de comique qui, à l'usage – et nous en avons usé – produit un effet aussi salvateur que revigorant sur nos esprits (bien malmenés ces temps-ci). Ah certes, Elfriede Jelinek est de la race des artificiers : elle sait manier sans crainte la bile et l'acide, au contraire de beaucoup d'entre nous. Il faut donc ouvrir ses livres en étant certain de vouloir se colleter au réel et abandonner toute envie de déni. Les soleils noirs se regardent toujours de face.