Un mouvement qui vise à
l’abolition de la société marchande ne peut se passer d’un
programme positif. Le fait de se sentir entraîné dans une course
vers l’abîme n’aboutit pas forcément à une perspective de
transformation du système. La réaction peut tout aussi bien
consister en un « sauve qui peut », un « mors tua
vita mea » (et jusqu’à présent c’est la réaction la plus
fréquente), ou encore en un « engagement » froid et
moraliste qui, au bout de compte, ramène à la logique
spectaculaire : « d’autres s’en occupent
déjà » (députés écologistes, guérilleros dans le
tiers-monde, organisations humanitaires, chercheurs critiques,
penseurs radicaux, etc.). Une vie quotidienne libérée de tous les
fétichismes et qui ne projette plus rien de ses propres possibilités
à l’extérieur d’elle-même : voilà un but capable de
susciter l’enthousiasme et la passion sans lesquels aucune action
historique n’a jamais été accomplie consciemment.
Un complot permanent contre le monde entier, Anselm Jappe
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