lundi 18 janvier 2016

Voyage autour de mon potager


Il y a quelques mois, quand je rentrais du travail, je posais ma veste sur la chaise et, après avoir bu un verre d'eau, j'allais m'asseoir devant mon potager pour fumer la pipe.
La vision de ce carré de terre meuble m'apaisait après ma journée à l'usine. Je me nourrissais plus proprement. En bêchant, je continuais à faire de l'exercice.
J'admirais l'alignement de mes tomates - j'avais appris à distinguer les Saint-Pierre, aux formes simples, des cœur de bœuf, plus contournées. Les haricots s'étoilaient sur les tuteurs, les salades semblaient éclore à la façon des roses et la progression en rhizome des topinambours était signalée par leur tiges émergentes dont les feuilles m'ont toujours évoqué des orties.
Tirant sur ma pipe, j'aimais repérer les mauvaises herbes qu'il me faudrait enlever, travail simple et utile après une journée passée à m'ennuyer.
A genoux dans la glaise, le ciel me paraissait plus grand. La plaine sur laquelle était bâtie ma maison m'offrait un horizon paisible d'où ne surgissaient que des nuages. Je connaissais ces fantômes silencieux. Un soir de désœuvrement, j'avais appris leurs noms dans une encyclopédie.
Les cumulus, perchés dans le ciel à la façon d'un décor, me donnaient l'impression d'une journée d'été anglais. Les cumulonimbus, superbes et altiers, annonçaient des pluies violentes qu'il ne me déplaisait pas de voir s'abattre sur le jardin. Plus banals, les stratocumulus n'en étaient pas moins appréciés les jours de grand soleil : leurs formes étiolées faisaient comme des parasols au-dessus de la maison.
Souvent, Sylvie venait me rejoindre. A la tombée du jour, nous installions deux chaises devant les sillons. Une bière étrangère accompagnait ma pipe et sa cigarette. Nous évoquions les petits faits de la journée avant de parler de ce que nous ferions le lendemain.
J'éprouvais un grand plaisir à voir son profil se découper devant ce carré luxuriant. Il faisait bon, et son parfum se mêlait parfois aux senteurs des tomates. Notre chat en profitait pour venir se rouler sous les tuteurs avec un air de contentement qui nous faisait rire. Au bout d'un moment, lorsqu'il se relevait et nous regardait en miaulant, il était l'heure de rentrer souper.

work in progress

Aucun commentaire: