mercredi 11 juin 2025
mardi 3 juin 2025
Goûts
Ce barbon, vieux poète, disait qu’il ne les aimait...
pas forcément belles, bien que, comme tout pékin moyen, je ne refuse pas ma part de beauté dans cette vallée de larmes. Pas forcément belles donc, mais impérativement étrangères à mon monde. M’offrant dans les traits de leur visage, leur vêture ou l’atmosphère qui naît de leurs gestes, une promesse de dépaysement. Moins pour m’entraîner dans des aventures mirifiques, ou des destinations aristocratiques, que pour partager notre bienveillante étrangeté, le sentiment que d’autres ponants scintillent loin du théâtre local. Cela pourrait être une banlieue pavillonnaire avec d’étranges fleurs. Les jardins aux parfums humides d’un pavillon crépusculaire. Une sous-préfecture ensommeillée, heureusement oubliée par le progrès. Une rue cerclée de buildings dans une cité d’Amérique. Une chambre sous les toits où gisent les guipures odorantes de celle qui l’habite. Un appartement aux hauts murs frais au centre du Caire. Bref, qu’avec ses baisers, le parfum de ses cheveux m’offre un ailleurs que je ne trouve plus en moi.
mardi 13 mai 2025
Zu Asche, zu Staub
La psychologue hospitalière Sara Piazza s’étonne qu’une large partie de la gauche considère l’aide active à mourir comme une cause progressiste. Elle y voit surtout une manière de pallier les carences du système de santé et craint une logique de tri qui s’effectuerait entre les existences dignes ou non de se poursuivre.
Le texte actuellement étudié à l’Assemblée nationale propose un délai de quinze jours entre la demande et l’exécution du geste létal. Or il faut aujourd’hui, par exemple, six mois d’attente en région parisienne pour une consultation dans un centre antidouleur. Comment soutenir que l’accès à la mort devienne plus rapide que la possibilité d’être soigné ?
Glané sur le site du journal de tous les pouvoirs.
mercredi 23 avril 2025
In vino veritas
"Ni moi ni les gens qui ont bu avec moi, nous ne nous sommes à aucun moment sentis gênés de nos excès. «.Au banquet de la vie.», au moins là bons convives, nous nous étions assis sans avoir pensé un seul instant que tout ce que nous buvions avec une telle prodigalité ne serait pas ultérieurement remplacé pour ceux qui viendraient après nous. De mémoire d'ivrogne, on n'avait jamais imaginé que l'on pouvait voir des boissons disparaître du monde avant le buveur."
Guy Ernest Debord, Panégyrique
Le TFA (acide trifluoroacétique), le plus répandu des polluants éternels, ne contamine pas seulement l’eau du robinet des Européens ; il est aussi présent dans le vin, et à des taux très supérieurs. Les principaux suspects sont les pesticides à base de substances per- et polyfluoroalkylées (PFAS), dont les molécules actives se dégradent en TFA. Plus préoccupant encore, depuis les années 2000, les concentrations de TFA augmentent dans le vin à un rythme galopant, selon une progression qui suit jusqu’à présent une courbe qui a tous les traits d’une exponentielle. Tels sont les principaux enseignements d’analyses rendues publiques, mercredi 23 avril, par le réseau d’associations Pesticide Action Network (PAN) Europe.
lundi 14 avril 2025
De la dignité
Trump, haine de masse, science... Pour l'ami Jacques Luzi : rien ne va plus dans ce monde ! C'est le moins que l'on puisse dire et ce n'est pas la première fois qu'il l'affirme.
Et si l'on se demande pourquoi continuer à penser en ces temps de détresse, on répondra que c'est bien parce que la détresse est si générale qu'il faut continuer à (la) penser.
"Prise dans ce déchaînement de la déraison, la raison est un combat, probablement perdu d’avance. Il n’empêche : elle demeure la dignité de ceux qui n’abdiquent pas, non seulement devant les stigmatisations en provenance des fanatiques de tout bord, mais aussi face à la barbarie qui vient."
Publié par les camarades de Pièces & Main d'Oeuvre, on trouvera son texte en cliquant ici.
lundi 31 mars 2025
Banalités de base
La société modernisée jusqu’au stade du spectaculaire intégré se caractérise par l’effet combiné de cinq traits principaux, qui sont : le renouvellement technologique incessant; la fusion économico-étatique; le secret généralisé; le faux sans réplique; un présent perpétuel.
Guy Debord, Commentaires sur la société du spectacle
vendredi 28 mars 2025
Nihil sub sole novum
Nous possédons environ 50 % des richesses du monde, mais seulement 6,3 % de sa population. Notre véritable tâche dans la période à venir est de concevoir un modèle de relations qui nous permettra de maintenir cette position de disparité sans porter préjudice à notre sécurité nationale. Pour ce faire, nous devrons nous débarrasser de toute sentimentalité et de toute rêverie, et notre attention devra être concentrée partout sur nos objectifs nationaux immédiats. Nous ne devons pas croire que nous pouvons nous offrir aujourd’hui le luxe de l’altruisme et du bien-être mondial. Nous devrions cesser de parler d’objectifs vagues et irréels, tels que les droits de l’homme, l’élévation du niveau de vie et la démocratisation. Le jour n’est pas loin où nous devrons utiliser des concepts de pouvoir purs et durs. Moins nous serons gênés par des slogans idéalistes, mieux ce sera.
George Kennan, 23 février 1948 - The State Department Policy Planning Staff papers, p. 121-122. (Traduction Jacques Luzi)
vendredi 14 mars 2025
Résistible
Seule une incompréhension totale de la politique et un optimisme naïf peuvent méconnaître que la tendance inéluctable de tous les peuples civilisés bourgeoisement constitués débouche sans aucun doute possible, après une période de concurrence extérieurement pacifique, sur le moment où seule la puissance décidera de la part de chacun dans la domination économique de la terre, et donc du niveau de vie de sa population.
Max Weber
mardi 11 mars 2025
N'être rien
Et j'ai pensé à ce sujet qu'en voyant dans les magazines les portraits de ceux-là qu'on estime considérables en toutes activités et qu'on donne en référence à l'émulation (...), qui sont en vainqueurs dans la compétition sociale; qu'à une époque où ces gens là sont quelque chose, on se dit, avec un véritable soulagement, que c'est une légitime satisfaction d'amour propre, une sorte de grandeur, de n'être absolument rien.
Baudoin de Bodinat, La vie sur Terre, Réflexions sur le peu d'avenir que contient le temps où nous sommes
lundi 10 mars 2025
Les irresponsables
L'Histoire et son étude sont les alliés de l'honnête homme et de l'honnête femme. En ces temps de fascisation de moins en moins rampante des esprits et de nos institutions, on lira avec profit le dernier ouvrage de l'historien du nazisme Yohann Chapoutot : Les irresponsables Qui a porté Hitler au pouvoir.
Non sans un certain sentiment de vertige, on apprendra ainsi qu'un consortium libéral-autoritaire, tissé de solidarités d’affaires, de partis conservateurs, nationalistes et libéraux, de médias réactionnaires et d’élites traditionnelles, a perdu tout soutien populaire : au fil des élections, il passe de presque 50 % à moins de 10 % des voix et se demande comment garder le pouvoir sans majorité, sans parlement, voire sans démocratie.
Cet extrême centre se pense
destiné à gouverner par nature : sa politique est la meilleure et
portera bientôt ses fruits. Quand les forces de répression avertissent
qu’elles ne pourront faire face à un soulèvement généralisé, le pouvoir,
qui ne repose sur aucune base électorale, décide de faire alliance avec
l’extrême droite, avec laquelle il partage, au fond, à peu près tout,
et de l’installer au sommet.
Si cette histoire se déroule en Allemagne, entre mars 1930 et janvier 1933, on ne pourra s'empêcher de dresser un pont, sinon plusieurs, avec la situation actuelle. On songera également, pourquoi pas, à la phrase de Marx au début de son Dix-huit Brumaire de Louis Bonaparte : "Tous les grands événements et personnages de l'histoire se produisent pour ainsi dire deux fois : la première fois comme une grande tragédie, la seconde fois comme une farce sordide."
Dans le cas où l'on ne souhaiterait pas se procurer cet ouvrage, on peut se faire quelques idées de la teneur, solide et étayée, de son propos en écoutant son auteur causer face à la caméra ou dans le poste.