jeudi 3 décembre 2015

Angie


Les montagnes bleues



"On me demande pourquoi je vis dans les montagne bleues. Je souris sans répondre", dit Li Po. Eh bien permettez-moi de hasarder une réponse, même si, j'en conviens, un sourire est préférable.

Je suis venu en ce lieu afin d'y accomplir une sorte d'alchimie mentale. Ce que je veux, c'est soumettre toute la réserve de matières accumulées au cours de ces dernières années (connaissances, images, sentiments) à la puissance métamorphosante du feu, et voir ce qui peut en résulter. N'en sortirait-il qu'une petite étincelle eckhartienne, ce serait toujours quelques chose.

Keneth White, Lettres de Gourgounel.

Le secret perdu


Un paysage intérieur hivernal, gelé, sans espoir, prend soudain mouvement, vie et couleurs. Une fin heureuse est exclue, mais l'émotion circule et c'est là l'essentiel.

Anne Gillain, François Truffaut, Le secret perdu.


mercredi 2 décembre 2015

Au café


J'aime venir au « café », à la tombée du jour. Quelquefois, j'ai l'impression, ou peut-être l'illusion, que ce rendez-vous est le lointain reflet de la Table ronde de la légende. Comme s'il y avait eu depuis toujours quelques hommes à se réunir dans la nuit du monde pour refuser le cours des choses. Probablement établie par Apollinaire, cette pratique du « café » a été renforcée et perpétuée, tant bien que mal, par André Breton pendant presque un demi-siècle. Et quel demi-siècle ! Deux guerres mondiales, Auschwitz, le Goulag, la bombe atomique, la guerre froide, la science mise au pas, l'éléphantiasis de la finance mondiale... Et au milieu de tout cela, ce « café », fragile et fantomatique bateau qui n'aura cessé de chercher, contre vent et marée, à garder le cap. Beaucoup de ceux qui avaient désiré être du voyage furent emportés par les terribles tempêtes du siècle, mais, pendant des années, il y en eut toujours de nouveaux à vouloir s'y embarquer.

Radovan Ivsic, Rappelez-vous cela, rappelez-vous bien tout.


De façon moins poétique, on pourra poursuivre cette réflexion sur l'importance de se réunir en lisant le billet de Frédéric Lordon sur "l'état d'urgence".


Pognon & Trouffion dans le même bateau

 


De l’Antiquité jusqu’à l’ère moderne, histoire monétaire et histoire politique semblent se confondre. Si l’Empire romain était parvenu à réaliser une relative unité monétaire (adaptée à ses efforts d’unification fiscale et de centralisation des finances publiques), sa chute, et le fractionnement de l’Europe « en de multiples et minuscules seigneuries » (Braudel), s’accompagnent d’une fragmentation de la monnaie. 


Puis, même si l’avènement des économies monétaires modernes est inconcevable sans les renaissances urbaines et commerciales qui animent l’Occident entre les XXIe et XVe siècles, ce n’est qu’avec la lente construction des Etats modernes et d’un système interétatique compétitif que l’Europe s’est acheminé vers un système monétaire composé d’une pluralité de monnaies nationales. Relativement à l’ensemble de cette histoire (au moins jusqu’à la Première Guerre Mondiale), peu d’historiens s’opposeraient à la validité du syllogisme suivant : 

« 1) l’essentiel des monnaies a été frappée pour couvrir les dépenses publiques, 2) l’essentiel des dépenses publiques est allé à l’armée, donc 3) l’essentiel des monnaies a servi à payer l’armée. »


Dans l’Antiquité, où apparaissent les premières monnaies métalliques (or et argent, puis bronze ou cuivre), la mainmise sur les mines d’exploitation permettait le financement directement monétaire de l’activité militaire, alors que les butins issus de cette activité rendaient possible la formation complémentaire de trésors de guerre. Comme le signalait déjà Weber, « le monnayage n’est apparu, d’une manière générale, qu’en tant que création d’un moyen de paiement militaire, non comme création d’un moyen d’échange. » 

A Rome, encore, « La frappe [monopole d’Etat] était réalisée à partir des fonds pris sur les butins et la monnaie servait, non à des fins économiques, mais pour le paiement de l’armée. » L’armée occasionnait donc « l’essentiel de l’injection de monnaie nouvelle dans le circuit général », si bien que « la relation entre les émissions monétaires et l’augmentation des légions est clairement établie. » En conséquence, le destin de l’empire était indissociable de la monnaie. L’expansion militaire de la période républicaine a entraîné la capture d’importants butins qui furent soit monnayés, soit conservés à Rome. La victoire de César sur Marc-Antoine permit l’accaparement des réserves égyptiennes, avant que Trajan ne mette la main, au IIe siècle, sur les réserves d’or et d’argent des rois Dace. 

Mais, à partir du IIIe siècle, le reflux politique de l’empire, le déclin de la production minière (notamment d’argent), alors même que s’accentuaient les guerres frontalières, eurent pour effet un déséquilibre budgétaire qui obligea l’Etat impérial à jouer autant de manipulations monétaires (dégradation de la qualité des pièces) que de mesures fiscales. L’une des conséquences fut l’affaiblissement du niveau de vie militaire, le recrutement coercitif et la multiplication des désertions.

La dislocation de l’empire, ainsi que le pillage monétaire dont il fut l’objet au Ve siècle, s’accompagnèrent d’une régression de la monnaie et, au IXe siècle, le Moyen âge comtal ouvrit la voie à la dispersion des frappeurs de monnaie liée à l’éclatement féodal. Le « Second Moyen âge » (XIIIe et XVe siècles) est alors marqué par un « féodalisme d’Etat », dont les guerres structurelles rendaient indispensable d’imposer la prépondérance de la monnaie royale (et la multiplication des ateliers monétaires au service du roi), d’élaborer une forme élémentaire d’administration fiscale et d’avoir recours à l’emprunt, dans le cadre d’une « augmentation » significative de l’Etat et de l’instrumentalisation naissante du grand commerce au service de ses objectifs politiques et militaires. Celle-ci devra toutefois attendre, pour s’affirmer pleinement dans sa forme mercantiliste, l’apport en métaux précieux que fournira la découverte des Amériques.

Jusqu’au XIXe siècle, la généralisation du salariat et l’instauration d’un système complet de marché, la majorité des biens courants sont restés localement produits et consommés au sein d’économies locales a priori faiblement monétarisées. C’est en surplombant cette « civilisation matérielle », d’abord, que s’est déployée l’alliance entre les impératifs guerriers des Etats européens et le grand commerce, porteur d’innovations financières depuis le XIIe siècle [emprunts publics, placement à terme, compensation, lettre de change (comme instrument de crédit, puis comme moyen de paiement), escompte, bourse, etc.]. 


On retrouve donc, d’un côté, le besoin de financement traditionnel de la guerre, dans une Europe où ne peuvent survivre les Etats incapables d’accompagner la révolution militaire en cours et l’enjeu du contrôle des routes commerciales maritimes d’une révolution monétaire et financière. Dans cet esprit, Charles Davenant, en 1695, pouvait reconnaître que « tout l’art de la guerre est d’une certaine manière réduit à la monnaie ; et, de nos jours, le prince qui peut le mieux trouver l’argent pour nourrir, vêtir et payer son armée (…) est le mieux assuré du succès. »

Mais, d’un autre côté, la période mercantiliste se distingue de l’Antiquité et du Moyen âge par l’importance prise par la connexion entre la capacité d’attraction des richesses déployées par le grand commerce et la mobilisation des ressources, l’unification et la monétarisation nationales, fondement de la richesse fiscale de l’Etat : « C’est la prospérité du royaume qui permet au Fisc d’alimenter le Trésor royal ; c’est la prospérité commerciale qui fait circuler les espèces précieuses, mesures et conditions de toute puissance. L’impôt se paie en monnaie d’or et d’argent, parce qu’ainsi se paient les soldats, les munitions, les espions et les alliés. »

L’enjeu principal, dans ces conditions, est donc d’acquérir la position la plus attractive dans la circulation internationale des capitaux, que la rivalité entre Etats européens a étirée jusqu’à la dimension transocéanique : sont financées, de cette manière, à la fois la croissance économique interne et l’expansion coloniale. Par exemple, la République des Provinces-Unies, entre la proclamation de son indépendance en 1581 et son lent déclin au XVIIIe siècle, a édifié son hégémonie en hissant l’intérêt marchand au rang de raison d’Etat. 

Selon Norel, « Le premier essor hollandais provient de la liaison assurée par les marchands des Provinces-Unies entre le nord et le sud de l’Europe », et s’est renforcé, parallèlement à la centralité de son commerce (portant notamment sur le blé) et la constitution d’un vaste empire maritime, avec l’intensification de l’agriculture et le décollage de l’industrie urbaine (textile, construction navale, armement, etc.). Au centre de ce complexe économique, il convient de placer la Banque d’Amsterdam, d’origine étatique, qui permit de faire du florin banco la « monnaie du monde » et de drainer l’essentiel des capitaux européens. Il en a résulté davantage « d’argent disponible pour les emprunts d’Etat, ce qui [a conféré] à la République hollandaise une supériorité inestimable sur ses rivaux », du fait qu’il était « politiquement plus facile d’encourager au maximum le financement de la guerre par des emprunts publics. »

Au terme de ce rapide survol historique, trois remarques paraissent s’imposer :

  1. A mesure que se sont développés la monétarisation des économies nationales, les dérivés des monnaies métalliques et des systèmes fiscaux efficaces, le financement militaire s’est émancipé des procédés archaïques du strict monnayage, pour s’inscrire dans les arcanes de la fiscalité et de la finance internationale ;

  2. Le déclin, depuis la Première Guerre mondiale, de la part relative des dépenses militaires dans les budgets publics des Etats conservant des ambitions internationales, ne doit pas masquer, ni la hausse continue de leur volume, ni les progrès de leur puissance de feu, susceptibles de conduire à l’autodestruction de l’humanité ;

  3. La libération des flux internationaux de capitaux et la globalisation financière, en fragilisant la fiscalité des Etats, définissent le contexte contemporain au sein duquel un lien étroit s’est établi entre le contrôle de ces flux et le financement militaire par endettement, qui fait du système monétaire international un enjeu essentiellement politique.


    Jacques Luzi


Penelope


L'homme troué


Trop loin dans l'amour pour qu'il me soit possible
de te toucher
Trop loin dans le désir pour qu'il puisse encore prendre
pour corps le tien
qui est lui-même
revenu à son premier être,
trop loin dans le fond de ta bouche
pour que je puisse encore savoir ce que c'est une bouche
et la prendre

Alain Gheerbrant, L'homme troué.

lundi 30 novembre 2015

Salvador (et ailleurs)




La verdad es que no se puede hacer la revolucion sin la participacion de las mujeres.

Doris Tijerino.

Dragons & Princesses


Comment oublier les vieux mythes qui sont au commencement de tous les peuples, ces mythes qui nous parlent de dragons métamorphosés, à l'instant ultime, en princesses ? Peut-être tous les dragons de notre vie sont-ils des princesses qui n'attendent que le moment de nous voir beaux et courageux. Peut-être tous les effrois ne sont-ils, au fond du fond, qu'une impuissance qui demande notre aide.

Rainer Maria Rilke, Lettres à un jeune poète.
 

dimanche 29 novembre 2015

Sud(s)




Navire incertain né de la cicatrice des vagues, mes voiles n'ont qu'un seul port : le Sud, âme de mon âme, où le silence de l'écorce répond au baiser des calanques, où l'écume chante le frôlement des méridiens, le sommeil des tomettes dans l'après-midi, la traversée, la mort, l'exil et ses trafics consciencieux.
Peu m'importe les rochers signalés par les cartes officielles, au sel recueilli, ce chant vient de la bouche de Méditerranée.
Que l'on se munisse de tabac, d'alcool et de café. La radio variera les angles par-dessus les toits et les mots, fussent-ils écrits au soleil, s'égareront sur des pages qui, s'ajoutant les unes aux autres, formeront l'éternel livre de l'incompréhension.

Le chant n'explique rien, à peine célèbre-t-il des ombres que le poète lui-même avoue ne pas connaître.

De l'écume ancienne, j'aime à tirer mes images. Imagine Simos et Protis, vaillants trimards, touilleurs d'onde au bénéfice de l'antique Grèce. Galères, amphores, vin, miel, des affaires plein la tête et les voiles à jeter l'ancre dans un golfe où la berge court, Tyro, bras tortueux du dieu de la mer, l'agrippant à bras le corps, et le verre gris-bleu de la mer les enclôt....
Du bastingage, on voit les collines de pins où se trouvent les Ligures. "- Bon, dit Simos. Qui s'y colle aujourd'hui ?" Et l'équipage pointe son index rongé de sel vers la belle gueule de Protis. Sur le pont, le voici coiffé, pomponné, oint. Un glaive, des sandales neuves, trois gardes et Protis ronchonne jusqu'aux sentinelles de Sésobriges. "- Fonder une ville, s'amuse le Celte. Là, sur la plage ?" Sésobriges a entendu parler de l'habileté de ces gens venus de la mer. Un avenir si on sait placer ses billes. "- Reste avec nous, ce soir. Je marie ma dernière, Gyptis. On va faire une bringue à tout casser." Les prétendants avaient été invités au banquet ; le roi lui dit d'offrir l'eau à celui qu'elle choisissait pour mari. Alors, laissant de côté tous les autres, elle se tourne vers les grecs et présente l'eau à Protis, qui d'hôte devenu gendre, reçut de son beau père un emplacement pour y fonder une ville.


La Commune de Marseille a précédé de quatre mois la Commune de Paris. Tournée vers la mer, la ville ignore la capitale pour regarder les changements venus du large. Sous les collines, près de l'écume : la Joliette, Saint-Just, la Capelette, Endoume, la Belle de Mai, Menpenti guettent les couleurs du lointain.
Coincé entre tradition et modernité, le sudiste cultive l'art du baratin. Tacite parlait déjà d'une rhétorique du Vieux Port qui résonnait entre bons mots et envolés lyriques. Anisé, rosé, malté, le verbe s'épand toujours des villas de Castellane jusqu'aux ANPE de Plan de Cuques. Rythme, boxe des mots, oubli-mouise, tête d'ail, tête d'Oc, la langue dans la ligne de sel !

Pour le reste, on connaît le mélange : quarante races tournant sur l'axe de Canebière et qu'importe les giclures d'huile si les nuits rencontrées à Marseille oublient pour un temps les alliances ironiques, les familles efficaces, les gosses flingués sous les affiches, la cage de but masquant mon formulaire du RSA, le béton armant les côtes, les cévenols bénisseurs, tous ces anges, mes frères, mes ennemis hantés par les fantômes de Flaissières et de Tapie.

Nous sommes des racleurs de côte plus que de vrais marins. Beaucoup rechignent à traverser. Traverser, le verbe est amer ici. On traversa parce qu'il le fallait. Les sites maritimes ont d'abord été des colonies fondées par des métèques besogneux qui se sauvaient du qu'en dira-t-on perfide de leurs cités d'origine.

On a déniché un coin de soleil, à quoi bon courir après d'autre mal de mer ?

Il y a l'intérieur des terres bien sûr, et tous ont fait ce rêve : nourri de vent, le ciel surprend la nuque à la sortie du bois. Elle est là, taillant le haut des arbres jusque dans mon carnet. Scalpel minéral modelant l'azur, la salamandre ondule des marches de Pourrières jusqu'aux premières rumeurs du Tholonet.
Je m'assoie, talons dans la glaise, pour me souvenir. Chaque dimanche, je rendais compte de mes rêves à ses flancs minéraux : soliloques, cerfs-volants, sources, thym, caillasses. Je taillais du menton des couloirs de genêts pour rentrer à la nuit, les jambes piquant dans l'eau de mon bain. Au lit, lumière éteinte, je savais que ses mains de silence garderaient mon sommeil. Elle bloquait depuis des siècles les nuages venus d'Atlantique...
Je marche souvent à ses côtés, un tambour géant qui rythmerait mes songes.

Jamais célébration des corps n'est plus belle qu'en été. Je n'oublierai jamais ces parfums échangés, bouche contre bouche, dans l'immensité de juillet.
L'air est mat comme une pomme. Dehors, un feu blanc autour des corps. Rien n'est dit hors des mots sculptés par le souffle. Tout se joue au millimètre afin d'amener l'intime à son poids d'incandescence. Glissements. Sauts de lune. Ventres de truite frissonnants jusqu'à l'encolure. Mains en liturgie. Balayage des profondeurs. Accélération lente. Déflagration courbée par le plaisir du cri. Tout, enfin se livre à qui s'envahit d'abandon.

Les traditions ont la vie dure ici. Il faut errer en terrasse, capter les conversations, apprendre que derrière les portes bruissent de drôles d'étoffes. Vieilles familles et nouveaux élus se mélangent. Libertins convenus, friponnerie de boucher, perversions appréciées. De l'utile. Les clans habituels se disputent, infâmes, les blasons de la ville : petits territoires, petites médailles, petites tombes.
La vie ici, s'offre à qui jouit du décor. Car tout s'étouffe moelleusement. Et gare au fringuant butant dans la fourmilière des profondeurs, la ville compte les meilleurs aliénistes du département. Montperrin guette les âmes usées par le trafic des existences.
L'exilé qui revient goûter aux liqueurs de Sextius, confirme en quelques gorgées la bonne idée de son premier départ.

Je le vois, le grand arc promis : une ceinture de chasteté brodée d'accorts contre les hordes envieuses lorgnant le cul d'Europe ! Ce congressiste d'un août bruxellois marmonnait vérité dans son vieux costume de tweed : "On est pour la mobilité des biens et des cultures, mais pas des hommes."

Le rêve d'un cercle bleu a volé en éclats. Alexandrie ne sera jamais reconstruite qu'avec l'argent des morts. Nous avons nos charniers, des forêts criblées d'os et de réveil-matin, des photos aériennes et rien ne me fait plus rager que ces toussotements d'amnésiques au seul nom de Méditerranée. Avouons-le, notre généalogie n'a jamais évité le fusil et les frontières nerveuses, toutes ces nuits dopées aux traçantes dans le grand cirque rouge de l'adrénaline.

Il dit : "- On ne peut plus voyager. Tout est devenu si cher. Et puis, es-tu sûre de tes cousins ?" Il dit encore : "- J'aime ton corps parce qu'il me fait penser à la mer, à ces bords d'écume offerts au voyageurs. C'est un billet d'envie, ça ! Un œilleton fixé sur les couleurs du large !"
Elle dit : "- Je ne sais plus ce que tu m'es. Toujours mon père et ardent compagnon. Un fanfaron démasqué de tendresse qui m'emprisonne et me libère."

Ce que nous avons fait de Méditerranée ? La mer se venge. Ses rivages abandonnent des marins sonnés par la cruauté des vagues officielles. Des gamins par milliers, mains dans les poches, soutiennent l'ombre des rues livrées aux assassins. La baie de Volos admire la balançoire du ciel jusqu'au Golfe du Lion. La Turquie étrangle en finale ses avants-centre Kurdes. Les cravates algériennes sont portées par des journalistes, des mères et des poètes. D'anciens soldats sont choqués par le tango des marchands sur les vagues de l'Odyssée et j'ai toujours cette manie de faire la fête, l'ombre de mon amour à portée de mon flingue.

Alors le Sud ? Le Sud sifflote comme il peut. Flûte moderne, flûte ancienne, les deux toujours jouées d'une même main. La plage est sale, l'eau émeraude, les gosses savent toujours s'y amuser.