mercredi 21 octobre 2015
dimanche 11 octobre 2015
Les bains Tivoli
Rue Saint-Lazare se trouvaient durant le règne de Louis XIV les bains Tivoli, qui s'étaient fait une spécialité des « bains prénuptiaux ». Jacques Chabannes, qui affirme que c'est le « débridement sexuel du règne de Louis XV » qui mit à la mode la propreté corporelle, raconte : « La veille du mariage, un bain au Tivoli est une preuve de qualité, de raffinement. On y mélange à l'eau du bain des épices et des plantes aromatiques. Après le bain, on masse le futur époux avec de l'huile, à la cantharide et autres aphrodisiaques. La séance se termine par une collation de truffes cuites au champagne. Et voilà le jeune homme fin prêt pour le sacrifice. »
Marc
Lemmonier & Alexandre Dupouy, Histoire(s) du Paris libertin
jeudi 8 octobre 2015
Les yeux de Caïn
Ils avaient inventé un jeu : Les yeux de Caïn. Les jumelles se dénudaient avant de se mettre à quatre pattes sur le lit. Leurs mains, lourdement baguées, écartaient leurs fesses, dévoilant leur sexe surmonté par l'œillet foncé de l'anus. Excité au plus haut point, Mazet se caressait et, selon la fantaisie du moment, les rejoignait sur le lit. Parfois, une voix s'élevait qui disait : « Tel est vu qui croyait voir ! ». Cette voix ne pouvait être que celle de Karine car Lucile était obnubilée par l'attente de ce sexe qui allait la perforer (et cette « perforation », c'est le mot qu'elle employait, ne prenait sens et joie que dans cette attente et par ce don) alors que Karine goûtait moins cette sensation que l'ironie de ce jeu à quatre yeux. Ainsi, l'une l'accueillait sans retenue, s'ouvrant immédiatement pour l'engloutir dans ce qui lui semblait être un magma de velours, l'autre se rendait par à-coups, l'enserrant pour mieux contrôler sa descente, l'autorisant à de brèves ruades jusqu'au plongeon final qui faisait que Mazet s'abandonnait souvent en elle.
Antoine
Samano, L'emprunt
Gallinet.
mercredi 7 octobre 2015
Karl
Tout homme s'applique à susciter chez l'autre un besoin nouveau pour le contraindre à un nouveau sacrifice, le placer dans une nouvelle dépendance et l'inciter à un nouveau mode de jouissance, donc de ruine économique. Chacun cherche à créer une puissance étrangère qui accable son prochain pour en tirer la satisfaction de son propre besoin égoïste. Ainsi, avec la masse des objets, l'empire d'autrui croît aux dépens de chacun, et tout produit nouveau devient une nouvelle source de duperie et de pillage réciproques. En se vidant de son humanité, l'homme a toujours besoin de plus d'argent pour s'emparer de l'autre, qui lui est hostile ; et la puissance de son argent diminue en raison inverse de l'accroissement du volume de production, autrement dit son indigence augmente à mesure que croît le pouvoir de l'argent.
Karl
Marx, Économie
et philosophie. Manuscrits
parisiens
(1844).mardi 6 octobre 2015
Se souvenir de Roberto Bolano (1953 - 2003)
2 novembre
J'ai été cordialement invité à
faire partie du réalisme viscéral. Évidemment, j'ai accepté. Il
n'y a pas eu de cérémonie d'initiation. C'est mieux comme ça.
3 novembre
Je ne sais pas très bien en quoi
consiste le réalisme viscéral. J'ai dix-sept ans, je m'appelle Juan
Garcia Madero, je suis en premier semestre du cursus de droit. Je
voulais faire des études de lettres, pas de droit, mais mon oncle a
insisté et au bout du compte j'ai fini par m'incliner. Je suis
orphelin. Je serai avocat. C'est ce que j'ai dit à mon oncle et à
ma tante et ensuite je me suis enfermé dans ma chambre et j'ai
pleuré toute la nuit. Ou du moins une bonne partie. Puis, avec une
résignation de façade, j'ai fait mon entrée à la glorieuse
faculté de droit, mais au bout d'un mois je me suis inscrit à
l'atelier de poésie de Julio César Alamo, à la faculté de
philosophie et de lettres, et c'est comme ça que j'ai connu les
réal-viscéralistes, ou les viscéralistes ou même vicerréalistes
comme ils aiment parfois s'appeler.
Roberto Bolano, Les détectives
sauvages.
lundi 5 octobre 2015
Se souvenir d'André Blanchard (1951 - 2014)
Le spleen nous épingle un galon d'avant-garde : qu'on meurt un peu chaque jour, nous le prouvons.
*
Coller au dogme de l'époque, lequel
promotionne l'accélération en tout, la lecture ne saurait couper à
ça, ont dû se dire nos frappés – sauf par ce qu'ils méritent
des taloches.
La lecture considérée comme un
sprint, nous y sommes ; ainsi France Inter nous livre cinq
matins par semaine la chronique d'une journaliste qui parle d'un
livre, ce qui, au compteur, attribue à celle-ci près de mille cinq
cents pages lues par semaine. Reprenons notre sérieux et disons
qu'il faudrait un mot qui soit à la lecture ce qu'est le mot
« nègre » à l'écriture.
*
Comme convive à réinviter, l'abbé
Mugnier se posait là tant on était sûr, avec lui, qu'au menu il y
en aurait de bien bonnes. Lors d'un dîner où la conversation vint
sur Léautaud, l'abbé dit que celui-ci pouvait dire ou écrire des
choses choquantes, peu importe, "il sera sauvé", parce qu'au
jugement dernier il y aura tellement d'animaux qui intercèderont
pour lui que Dieu, quasi la larme à l'oeil, lui ouvrira les portes.
C'est mignon tout plein.
Et c'est le paradoxe dont pourrait se
targuer la religion catholique : les images en provenance du
ciel sont à ce point belles qu'elles se passent d'être vraies.
*
Avoir la littérature dans la peau a
son synonyme : la vie vaut plus le coup d'être lue que vécue.
Écrire en rajoute une couche. La vie ?
C'est ce dont on se souvient.
*
Il y a peu j'ai lu cette appréciation
à propos de mes Carnets : « pour public cultivé ».
C'est flatteur ; mais enfin, si c'est là un tableau d'honneur,
disons qu'il est à l'image d'un salon Guermantes seconde manière,
quand une Verdurin y préside : c'est un déclassement. Il y a
un siècle, le public cultivé eû trouvé mes Carnets
l'égale, en liturgie, du temps ordinaire.
*
André Blanchard, À la demande
générale.
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