dimanche 21 février 2016
samedi 20 février 2016
Rendre obscène la bêtise régnante
"Aucune raison d'endurer un an et demi de campagne électorale dont il est déjà prévu qu'elle s'achève par un chantage à la démocratie. Formons plutôt un tissu humain assez riche pour rendre obscène la bêtise régnante, et dérisoire l'idée que glisser une enveloppe dans une urne puisse constituer un geste - a fortiori un geste politique."
La tribune de Julien Coupat et d'Eric Hazan débute ainsi sur le site de Libération et l'on peut poursuivre sa lecture en appuyant là.
La tribune de Julien Coupat et d'Eric Hazan débute ainsi sur le site de Libération et l'on peut poursuivre sa lecture en appuyant là.
vendredi 19 février 2016
Mémoires amoureux
Ce pourrait être de
beaux ouvrages, le genre de volumes que l'on feuillette l'après-midi
pour poivrer sa sieste. Certains y feraient le compte de leurs élans.
D'autres établiraient la carte de leurs égarement, fussent-ils les
plus séminaux. S'y dessinerait en creux le portrait de notre époque.
D'aucuns protesteraient en affirmant que dans ce genre de mémoires,
on ne trouve que des silhouettes. Il serait alors
loisible de répondre que, dans ce domaine, on n'est jamais sûr de
faire forte impression.
jeudi 18 février 2016
Deux bons coups de marteau
Lorsque nous serons parvenus à cette administration générale et économique de la terre qui nous attend inévitablement, l’humanité, en tant que mécanisme, pourra trouver au service de celle-ci son sens le plus propre : - car elle sera alors un énorme rouage, composé de pièces toujours plus petites, d’une adaptation toujours plus subtile, qui rendra de plus en plus superflus tous les éléments qui commandent et dominent ; étant devenue un ensemble d’une force énorme dont les différents facteurs représentent des forces minimales et des valeurs minimales.
Mais celui
qui, par son savoir, précipite la nature dans l’abîme du néant,
doit s’attendre aussi à éprouver sur soi-même les effets de la
dissolution de la nature.
Friedrich Nietzsche
mercredi 17 février 2016
Franchir la ligne rouge ?
Un camarade m'a transmis ces extraits du livre de James Jones,
Mourir
ou crever (Stock,
1962) dont le cinéaste Terence Malick a tiré son chef d'oeuvre :
The thin red line. Chacun se reconnaîtra...
Ce
livre est joyeusement dédié aux plus grandes et aux plus héroïques
des entreprises humaine : la Guerre
et l’Art
de la guerre ;
puissent-elles ne jamais cesser de nous apporter le plaisir,
l’excitation et la stimulation dont nous avons besoin, ni de nous
fournir les héros, les présidents et les chefs, les monuments et
les musées que nous leur érigeons, au nom de la Paix.
*
Le sergent-chef
Welsh… n’arrêtait pas de murmurer tout bas, tout en souriant
sournoisement à Fife : « La propriété. La propriété.
Tout pour la propriété. » Parce que ce n’était pas autre
chose, c’était ça et pas autre chose. La propriété de celui-ci,
ou de celui-là. D’une nation ou d’une autre. Tout avait été
commencé, tout continuait, pour une histoire de propriété. Une
nation voulait, estimait avoir besoin, avait peut-être vraiment
besoin, d’une propriété accrue ; et le seul moyen de
l’obtenir, c’était de la prendre à une autre nation qui y
tenait, tiens donc. Il n’existait plus de propriétés libres, sans
propriétaires, sur cette terre, et voilà tout. C’était ça et
pas autre chose. Welsh trouvait cela prodigieusement amusant. « La
propriété, marmonnait Welsh pour lui-même trop bas pour que
d’autres puissent l’entendre, tout pour la propriété.
*
Ça finirait certainement un jour, sûrement par la victoire
– à cause de la production industrielle. Mais cet instant dans le
temps n’avait aucun rapport avec les hommes engagés dans ce combat
précis. Certains en réchapperaient, mais aucun individu ne pouvait
être sûr de survivre. Il y avait quelque chose qui ne tournait pas
rond dans la façon de compter. Toute l’entreprise était trop
vaste, trop compliquée, trop technique pour qu’un individu y ait
sa place. N’importaient que les collections d’individus, les
masses humaines, les nombres
d’hommes. Le poids d’une telle proposition était accablant,
presque trop lourd à supporter, et Bell aurait aimé en détourner
son esprit. Des hommes libres ? Ha !... Un mythe à la con,
oui ! Des masses
d’individus libres, peut-être…
Le reste du temps,
Storm avait eu les miches à zéro. Et la corrida, le spectacle, le
défi, l’aventure de la guerre, ils pouvaient se torcher le cul
avec. Tout ça, c’était peut-être très bien pour les officiers
de camp et le haut État-major qui tirait les ficelles, et décidaient
de ce qu’on ferait ou non. Mais tous les autres n’étaient que
des outils – des outils avec un numéro de série, un matricule
bien marqué dessus. Et Storm n’aimait pas être un outil. Surtout
quand l’outil risquait de se faire tuer ! Et merde pour
l’organisation.
*
– Mon lieutenant,
je pense qu’on a eu assez de pot. On s’est pas trop mal démerdés…
Quant à ce que je sens, déclara Culn sans se fâcher, l’Armée ni
personne ne me paye une « prime de sentiment ». Alors je
me dis comme ça que j’ai pas à sentir. Je me dis comme ça que
n’aurai pas de sentiment sauf ce qui est absolument nécessaire.
Sentiments minimum. Demain, ça risque d’être salement duraille,
mon lieutenant. Vous savez ça ?
Une autre citation de Culn eut beaucoup de succès et les hommes la
reprirent tous à leur compte : Ils
diront ce qu’ils veulent, je ne suis pas un rouage dans une
machine.
Cela avait été une pensée, et non quelque chose qu’il avait dit
tout haut au Pénible, mais cela exprimait à la perfection ce qu’ils
éprouvaient tous, et ce qu’ils avaient besoin de croire. Ils
reprirent le mot, ils l’appliquèrent chacun à sa propre
situation, et ils y crurent. Ils n’étaient pas des rouages dans
une machine, quoi qu’on en dise. Un seul examina le propos de plus
près. Et il n’alla pas bien loin, parce qu’il avait ses propres
soucis.
*
Pas des rouages dans une machine ? Ils n’étaient pas des
rouages dans une machine ? Ils se prenaient pour quoi, alors ?
Leur désir, leur besoin de croire était pathétique et le choc lui
fit examiner à nouveau l’autre propos, la philosophie. Et il l’a
trouva soudain toute différente. Pas de sentiments ? Ne rien
sentir ? Ne rien sentir si on n’était pas payé pour ?
Pas de souci sans prime de Souci ? Mais qu’est-ce qui leur
arrivait ? Et à lui-même ?
*
Un jour, l’un de ceux-là
écrirait un livre sur toutes ces histoires, mais aucun des autres ne
pourrait y croire, parce qu’aucun d’eux ne se les rappellerait de
la même façon.
*
Le chant du monde
La colline était couverte de grandes
yeuses crépues, couleur de fer. Elle avait une odeur de terre déjà
sèche. Elle était comme un moyeu avec tous les rayons du soleil
rouant autour d'elle. Le radeau entra dans son ombre. La crue du
fleuve avait rempli tout un vallon. C'était un port dans des
châtaigniers. Les feuillages trempaient dans l'eau. Au fond de
l'anse, trois sapins adolescents luisaient au bord d'un pré. Un
ruisseau silencieux comme de l'huile coulait dans de la mousse noire.
Sur ce rivage, l'eau du fleuve dormait. Elle clapotait doucement dans
les branches des arbres. L'air paisible était tout criant du
grésillement des courtilières, des grillons et des sauterelles.
Jean Giono, Le chant du monde.
Simon Leys
Dans son beau recueil de texte intitulé
Le studio de l'inutilité, Simon Leys, qui est aussi l'auteur
d'un des plus beaux textes sur George Orwell que je connaisse –
Orwell ou l'horreur de la politique – parle ainsi d'Henri
Michaux :
Les artistes qui se contentent de
développer leurs dons n'arrivent finalement pas à grand-chose. Ceux
qui laissent vraiment une trace sont ceux qui ont la force et le
courage d'explorer et d'exploiter leurs carences. Dès le début,
Michaux en eut l'intuition : "Je suis né troué", et il
sut en tirer parti avec génie. "J'ai sept ou huit sens. Un
d'eux : celui du manque (...) Il y a de ces maladies, si on les
guérit, à l'homme, il ne reste rien". Aussi faut-il bien
prendre ses précautions : "Toujours garder en réserve de
l'inadaptation." Mais sur ce chapitre, de naissance, il était
bien équipé.
mardi 16 février 2016
Vu
Vu hier, au Select :
il se tient seul devant le comptoir, écharpe en main. Une
lueur parfaitement désespérée dans l'oeil, il accompagne chacun de
ses propos d'un sourire qui indique qu'il n'est jamais dupe de ce
désespoir.
lundi 15 février 2016
L'Aurore
Dans
L'Aurore,
une femme se tient dans l'ombre, mystérieuse, dominatrice. Le génie
de Murnau se révèle dans l'infinie subtilité du cadrage et de
l'éclairage. Elle est la nuit, le désir, l'envie. Un seul coup de
projecteur la transformerait en grue. Gavés de lumière, voilà
longtemps que nous ne sommes plus capable de désirer ainsi. Nous
passons le plus clair de notre temps à courir après des volatiles.
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