dimanche 7 juillet 2024

Ce que l'intelligence artificielle ne peut pas faire

 


L'ami Jacques Luzi vient de publier aux éditions de la Lenteur Ce que l'intelligence artificielle ne peut pas faire. Dans ce livre, on verra l'auteur s'adresser à Elon Musk, converser avec un créateur d'intelligence artificielle et démontrer que la vérité de l'IA ne réside aucunement dans ses vagues promesses de maîtrise de l'existence mais dans la destruction de la nature, sur les champs de bataille d'aujourd'hui, dans l'exploitation des travailleurs du clic, dans l'enfer taylorien des ouvriers qui fabriquent ses supports matériels, dans les mines où souffrent et meurent les prolétaires qui extraient les métaux nécessaires à son fonctionnement, dans la précocité des addictions d'une population transformée en producteurs bénévoles de données et déjà adaptée au dispositif de surveillance intégrale que n'aura de cesse de perfectionner cette même IA. 

 

vendredi 5 juillet 2024

Dialectique & bourgeoisie

 

En ces temps où tout concourt à nous rendre indifférent à la réalité, où le soucis de la nuance est vite considéré comme une preuve infamante de tiédeur et où tout ce qui pourrait être contraire aux intérêts de son camp n’est pas pris en compte par le raisonnement, reconsidérer certaines positions sur le vote par délégation et la démocratie bourgeoise à la lumière de la situation présente, ne signifierait aucunement renoncer à ses idéaux ou se livrer à quelques tactiques d’arrière salle mais à penser, dans tous ses aspects, le moment présent. Et cela, sans crier au social traître.

Cette souhaitable mise en branle dialectique traiterait moins de la question de la démocratie représentative que de l’opportunité tactique de ce vote là, qu’à penser ce que pourraient être les moyens d’action révolutionnaires ainsi que les conditions minimales de leur mise en œuvre dans le monde tel qu'il nous advient. Des moyens et des actions qui, n’en doutons pas, seront bien plus difficiles à mobiliser dans le genre de système ouvertement despotique qu’installe chez nous, comme il l’a fait en Europe, un capitalisme en crise et dont le RN est un des dispositifs. 

Au regard des soubresauts du système, il faudrait être bien naïf pour penser que les possédants hésiteront un seul instant à tâter de la méthode Orban ou à concocter des scenarii à la mexicaine pour préserver leurs intérêts. Les épisodes des Gilets Jaune et des méga bassines, la destruction programmée du droit du travail ou celui de la gestion du COVID, nous ont donné un avant goût de ce que peut faire un état aux abois.

Un homme comme Joseph Gabel, l'auteur de La Fausse conscience, peu suspect de sympathie pour le Capital, conservait un attachement pragmatique aux institutions de la démocratie bourgeoise. Celle-ci lui apparaissait, « faute de mieux, comme le régime permettant le maximum de désaliénation compatible avec l’existence collective : décentration des opinions grâce au jeu de la pluralité des partis ; atténuation de la réification judiciaire par l’institution des assises et par le respect des droits de la défense ». Rosa Luxembourg, elle-même, ne disait-elle pas que « l’assemblée constituante, le suffrage universel, les libertés de presse et de réunion, constituent les fondements les plus précieux, les fondements indispensables mêmes, de la politique socialiste ».

Que de cette démocratie et de ces droits là, il ne reste plus grand-chose aujourd’hui, qu’il a été fondé et qu’il l’est toujours de les critiquer comme alliés objectifs du Capital, ne doit pas nous empêcher de penser l’effet que produirait sur nos luttes et, plus prosaïquement sur notre quotidien, leur disparition totale. 

 

mercredi 3 juillet 2024

L'idéologie, chez elle

 


Le parallélisme entre l’idéologie et la schizophrénie établie par Gabel (La Fausse Conscience) doit être placé dans ce processus économique de matérialisation de l’idéologie. Ce que l’idéologie était déjà, la société l’est devenue. La désinsertion de la praxis, et la fausse conscience anti-dialectique qui l’accompagne, voilà ce qui est imposé à toute heure de la vie quotidienne soumise au spectacle ; qu’il faut comprendre comme une organisation systématique de la « défaillance de la faculté de rencontre », et comme son remplacement par un fait hallucinatoire social : la fausse conscience de la rencontre, l’« illusion de la rencontre ». Dans une société où personne ne peut plus être reconnu par les autres, chaque individu devient incapable de reconnaître sa propre réalité. L’idéologie est chez elle ; la séparation a bâti son monde.

Guy Debord, La Société du Spectacle