En ces
temps où tout concourt à nous rendre indifférent à la réalité,
où le soucis de la nuance est vite considéré comme une preuve
infamante de tiédeur et où tout ce qui pourrait être contraire aux
intérêts de son camp n’est pas pris en compte par le
raisonnement, reconsidérer certaines positions sur le vote par
délégation et la démocratie bourgeoise à la lumière de la
situation présente, ne signifierait aucunement renoncer à ses
idéaux ou se livrer à quelques tactiques d’arrière salle mais à
penser, dans tous ses aspects, le moment présent. Et cela, sans
crier au social traître.
Cette
souhaitable mise en branle dialectique traiterait moins de la
question de la démocratie représentative que de l’opportunité
tactique de ce vote là, qu’à penser ce que pourraient être les
moyens d’action révolutionnaires ainsi que les conditions
minimales de leur mise en œuvre dans le monde tel qu'il nous
advient. Des moyens et des actions qui, n’en doutons pas, seront
bien plus difficiles à mobiliser dans le genre de système
ouvertement despotique qu’installe chez nous, comme il l’a fait
en Europe, un capitalisme en crise et dont le RN est un des
dispositifs.
Au regard des soubresauts du système, il faudrait être
bien naïf pour penser que les possédants hésiteront un seul
instant à tâter de la méthode Orban ou à concocter des scenarii à
la mexicaine pour préserver leurs intérêts. Les épisodes des
Gilets Jaune et des méga bassines, la destruction programmée du
droit du travail ou celui de la gestion du COVID, nous ont donné un
avant goût de ce que peut faire un état aux abois.
Un
homme comme Joseph Gabel, l'auteur de La Fausse conscience, peu suspect de sympathie pour le Capital,
conservait un attachement pragmatique aux institutions de la
démocratie bourgeoise. Celle-ci lui apparaissait, « faute de
mieux, comme le régime permettant le maximum de désaliénation
compatible avec l’existence collective : décentration des opinions
grâce au jeu de la pluralité des partis ; atténuation de la
réification judiciaire par l’institution des assises et par le
respect des droits de la défense ». Rosa Luxembourg, elle-même,
ne disait-elle pas que « l’assemblée constituante, le
suffrage universel, les libertés de presse et de réunion,
constituent les fondements les plus précieux, les fondements
indispensables mêmes, de la politique socialiste ».
Que de
cette démocratie et de ces droits là, il ne reste plus grand-chose
aujourd’hui, qu’il a été fondé et qu’il l’est toujours de
les critiquer comme alliés objectifs du Capital, ne doit pas nous
empêcher de penser l’effet que produirait sur nos luttes et, plus
prosaïquement sur notre quotidien, leur disparition totale.